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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/989

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dans les grottes, les stalactites lui ont révélé la grande loi de la cristallisation.

Le parti que les Perses ont su tirer de l’observation des formes qu’affectent les cristaux est une des principales sources d’où ont découlé les arts décoratifs du moyen âge oriental. Dans l’ornementation assyrienne, on voit apparaître déjà ce système de faces et d’angles, de pendentifs prismatiques, dont les voûtes des cavernes nous donnent un si magnifique exemple. Cette ornementation se développe sous les dynasties achéménide et arsacide, et parvient, dans les monumens de l’époque seldjoucide, au plus haut degré de pureté et d’élégance. Pendant dix siècles, elle a couvert les édifices de l’Asie, de l’Afrique et de l’Espagne. Les chapiteaux, les corniches, les modillons, les arêtes, les angles, les pendentifs, les plafonds, les voûtes, les coupoles, se revêtirent de la riche et admirable décoration de ces temples naturels que Dieu avait présentés à l’homme comme pour lui montrer la voie à suivre dans ses propres monumens. Le bas-empire en offre déjà quelques échantillons, mais c’est dans la Perse mahométane que ce style arrive à sa plus haute puissance en conservant toute sa pureté.

Quiconque a été à même d’admirer les effets grandioses, que présentent souvent les vastes cavités souterraines ne sera nullement surpris que les architectes persans aient été y chercher des inspirations. Il y aurait plutôt lieu d’être étonné si ces artistes, incessamment préoccupés d’étudier et d’imiter la nature, n’avaient pas été frappés de ce spectacle, et s’ils avaient omis de profiter d’aussi précieuses indications. Où trouver en effet une architecture plus saisissante, une ornementation plus élégante et plus vraie ? Ces sels, ces cristaux opaques ou transparens, auxquels le voisinage du fer, du cuivre, de l’or ou du plomb donne des tons oranges, violets, verts, rouges ou bleus par les mêmes principes qui colorent et qui créent les améthistes, les émeraudes, les topazes, les rubis, les saphirs, les opales et les diamans, ont en outre mille facettes sur lesquelles vient se décomposer la lumière. A la vue de ces voûtes immenses, de ces portiques, de ces colonnades merveilleuses, l’imagination la plus calme est frappée, et découvre les secrets de la franc-maçonnerie divine. Voyez comment la nature procède dans les grottes immenses de Kakouamilpa, de Mammoth cave, d’Adelsberg, de Paros, d’Antiparos, de Chapour et de Kermanshah[1] ; dans ces vastes ateliers de construction, voyez avec quelle patience, avec quel soin elle

  1. La grotte de Kakouamilpa, qui se trouve au Brésil, a été visitée, décrite et peinte par M. le baron Gros, notre ambassadeur en Chine ; Mamnoth cave est en Amérique ; Adelsberg est en Carniole, sur la route de Trieste à Vienne ; Chapour et Kermanshah sont en Perse.