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base de fenêtres ogivales comme le dôme d’une mosquée. La courbe géométrique qu’il affecte, l’exquise ornementation qui le décore, sont si régulières et si parfaites que l’architecte le plus. difficile n’y trouverait rien à redire. Le dessin d’une galérite pyramidale mis en regard d’une photographie de la coupole des tombeaux des califes présente avec celle-ci de si frappantes similitudes qu’il est au premier aspect impossible de dire lequel des deux dômes est de construction humaine. Sur un autre oursin existe un arc de porte ou de fenêtre qui reproduit l’arc cissoïde des palais arabes. Le dôme persan, qui porte le nom de goumbasi dikkehdar, coupole par morceaux, parce que le tracé se fait au moyen de plusieurs courbes, offre un profil identique à celui de l’habitation d’une galérite pyramidale, dans plusieurs variétés, on retrouve la forme exacte des coupoles dites amroudi, coupole en poire, et tadji dervichi, en bonnet de derviche. Les colonnettes en miroirs d’un palais de Bagdad, rapprochées d’autres formations naturelles, rentrent dans cette architecture cristalliforme qui donne un cachet si remarquable à la décoration des monumens de la Perse, et dont nous aurons à expliquer la source.

Certes tous ces oursins échinodermes, ces madrépores, sont d’habiles architectes, bien plus savans que les nôtres : ils se montrent, dans les applications qu’ils font des lois de la géométrie, de l’acoustique, de la ventilation, de la navigation, aussi surprenans qu’ils le sont dans les arts décoratifs. Les uns construisent des spirales et des hélices qu’Archimède n’a fait qu’imiter ; les autres, céramistes accomplis, ont prêté aux faïenciers persans quelques-unes de leurs couleurs et jusqu’à leurs brillans reflets. Si nous pouvions ici entrer dans les détails et mettre sous les yeux du lecteur la plupart de leurs œuvres, il demeurerait confondu devant la perfection et la variété des travaux de ces édificateurs. Leurs palais sont des modèles que la nature nous offre, modèles dont les artistes de la Perse ont su profiter. D’observateurs devenus mathématiciens, appliquant à l’aide de l’algèbre, de la géométrie et de la chimie ces lois de formation qui frappaient leurs yeux, ils ont créé une architecture qui surpasse toutes les autres. C’est parce que l’art persan a su s’assimiler les moyens et les procédés de l’éternel architecte qu’il est un type si parfait. Saisissant la raison géométrique qui domine toute création, il a cherché dans les végétaux grimpans leurs arabesques fleuries, dans les coquilles et les polypes leurs rayures et leurs couleurs, leurs combinaisons de lignes et d’entrelacs, et surtout cet enduit d’émail, cette glaçure inattaquable à l’eau, qui préserve les murs et les décore en même temps des nuances métalliques les plus solides et les plus belles. Dans les oursins et les madrépores, il a puisé l’ingénieuse arcature des dômes et des voûtes ;