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bénédiction des animaux qui s’accomplit, lors de la Saint-Antoine, par l’aspersion de l’eau bénite. Toutes les bergeries étaient décorées de rameaux et de feuillages, et leurs portes décorées de festons. On adressait des prières à Palès, déesse des troupeaux, et le jour de la fête de cette déesse rustique était regardé comme l’anniversaire de la fondation de Rome par un berger. Cet anniversaire est encore célébré à Rome chaque année dans un banquet archéologique.

J’ai parlé ailleurs, d’après Ovide, des deux autres fêtes du mois d’avril : les Vinalia du printemps, en l’honneur de Vénus Érycine, pendant lesquelles les courtisanes allaient offrir à la déesse, dans son temple de la porte Colline, des myrtes et des roses ; les Robigalia, destinés à conjurer la rouille (robigo), maladie des blés, dont les Romains avaient fait une déesse funeste. On se souvient peut-être qu’Ovide, revenant de Nomentum, rencontra sur la route une blanche procession qui allait au bois sacré de la déesse Robigo pour y brûler les entrailles d’un chien et d’une brebis. On voit que les solennités du mois d’avril se rattachaient presque toutes à la fertilité de la terre et des troupeaux.

De même les fêtes de Flore et les jeux floraux, qui commençaient en avril et se terminaient en mai, avaient pour but d’obtenir l’abondance, non pas seulement des fleurs, mais de toutes les productions de la terre : les fruits, l’herbe, les moissons. Ces fêtes de la fécondité étaient un temps de joie et de licence. L’on dansait dans les festins, au lieu de se borner à regarder danser, et des courtisanes paraissaient nues sur le théâtre. Les femmes portaient non pas des robes blanches, comme aux chastes fêtes de Cérès, mais des vêtemens de diverses couleurs, ce qui était ordinairement interdit aux matrones romaines. Rome, en ce moment de l’année où la vie y éclate pour ainsi dire dans toute sa puissance et toute son ardeur, était plongée dans une sorte d’ivresse.

L’été romain commençait le 9 mai, et en effet à Rome on commence alors à le sentir. A partir de ce moment jusqu’à la fin de mai, les fêtes et les jeux devenaient plus rares, et à la fin de juin les Fastes d’Ovide s’arrêtent.

Les jeux reprenaient dans le mois de juillet, qui en comptait dix-neuf, encore plus que le mois d’avril. Parmi eux étaient les jeux apollinaires dans le grand cirque, auxquels on assistait couronné de fleurs, et pendant lesquels on dînait dans la rue.

Bien que l’inachèvement des Fastes nous prive du tableau de la vie religieuse des Romains durant les six derniers mois de l’année, ils nous en ont assez appris durant les six premiers pour que nous puissions nous faire une idée de ce que j’appellerai la Rome