Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/1037

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cessaire à l’exercice de la plus haute autorité religieuse. Un frottement plus amical, une appréciation plus impartiale des convenances communes, la droiture des intentions, l’influence des circonstances, amèneront ainsi peu à peu la papauté et l’Italie au point juste où il sera possible en même temps aux Romains de participer à la vie nationale, et au pape d’avoir les garanties fixes et certaines de son indépendance spirituelle. En s’appliquant ainsi avec loyauté à l’œuvre de la conciliation, en ne dédaignant point de l’entamer par les côtés les plus modestes, en prenant garde d’atténuer les premiers chocs, on pourrait donc réussir à détourner ce fantôme révolutionnaire qui trouble et afflige encore l’âme candide de Pie IX, et à familiariser l’Italie avec la pensée d’une papauté respectée dans son indépendance. On dira peut-être que la perspective que nous évoquons ainsi est chimérique; nous voudrions qu’on essayât de le prouver. Pour démontrer que nos vœux sont chimériques, il faudrait soutenir que l’Italie et la cour de Rome sont dépourvues de la clairvoyance qui doit les éclairer sur leurs intérêts, et de a probité qui devrait guider leur conscience dans la crise qu’elles traversent ensemble.

L’idée que nous avons des responsabilités encourues par l’Italie et par la cour de Rome explique assez la répugnance que nous inspirerait toute velléité d’ingérence étrangère qui pourrait apporter le trouble dans l’équilibre de ces responsabilités. Nous regretterions donc qu’il fût donné suite au projet de voyage de l’impératrice des Français à Rome, dont il est question depuis quelque temps. Une démarche d’apparat telle que celle-ci ne pourrait demeurer insignifiante, et si elle devait produire une diversion, personne n’aurait le droit de se promettre d’avance que cette diversion ne pourrait être qu’heureuse. Nous ne cesserons de le répéter : si la réconciliation peut s’opérer, il en faut laisser tout le mérite au pape et à l’Italie ; si elle doit échouer, il en faut laisser tout le blâme à celui qui l’aura mérité. L’intention de l’impératrice serait assurément de ne donner qu’un caractère privé à une démonstration généreuse; mais nous ne savons jusqu’à quel point il est au pouvoir de la gracieuse souveraine de déposer à son gré dans un acte public le caractère politique dont elle est revêtue. L’impératrice, le Moniteur a souvent occasion de nous en instruire, assiste aux conseils de cabinet : une princesse qui s’adonne avec une semblable assiduité à la délibération des affaires de l’état ne peut laisser à volonté la politique après elle, si elle va porter des consolations au vieux pontife affligé. Qui répondra des incidens, et la dernière allocution du pape, dont quelques expressions, plus ou moins exactement rapportées, ont effarouché certaines oreilles, ne donne-t-elle point une idée des surprises auxquelles on pourrait être exposé? Au nom de Dieu, ne prolongeons l’intervention sous aucune forme! Rien dans les faits n’a encouragé ceux qui ont voulu jusqu’à ce jour se placer entre le pape et l’Italie. Plusieurs de nos évêques ont fait, dans ces tentatives d’immixtion, des expériences dont ils n’ont point