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lieu de s’applaudir. Un des plus ardens parmi eux, l’évêque d’Orléans, a fini par y endommager son talent de la façon la plus grave. Il a perdu à cet exercice tout sentiment de l’à-propos, tout bon goût et toute mesure. Le voici reparaissant sur la scène, après sa mésaventure de la brochure des inondations, avec un nouveau pamphlet qu’il appelle l’Athéisme et le péril social. Comme l’auteur l’avoue en finissant, l’objet réel de cette longue et indigeste vitupération est de porter une protestation dernière contre l’exécution de la convention du 15 septembre et contre la cessation de l’intervention française à Rome. Le hors-d’œuvre est précisément le sujet indiqué par le titre. M. Dupanloup emploie dans ce nouvel ouvrage un procédé qui n’est ni théologique, ni philosophique, ni littéraire. C’est la dénonciation substituée à la polémique. M. Dupanloup se contente de démontrer les progrès de l’athéisme et du matérialisme et l’existence du péril social par un fatras de citations empruntées à toute sorte d’écrivains, détachées arbitrairement des argumentations qui pouvaient leur donner une valeur plus ou moins scientifique, dénaturées par conséquent. Les ciseaux à la main, il compose sa collection de paradoxes et de blasphèmes et nous l’étale avec violence. Sa laide compilation achevée, il croit avoir rempli sa tâche et nous avoir démontré les progrès de l’athéisme et les périls de la société. Ce n’est point par une méthode aussi expéditive, aussi brutale, il faut le dire, que les grands apologistes chrétiens avaient coutume autrefois de combattre les erreurs du siècle. Ils saisissaient corps à corps les systèmes d’où leur paraissaient découler ces erreurs, et s’attaquaient bien plus aux argumentations fausses qu’aux exagérations et aux excentricités de la forme. Ils s’appliquaient à être dialecticiens et philosophes tout en restant théologiens. Les doctrines et les travaux scientifiques contre lesquels s’irrite M. Dupanloup ne seront point renversés par des gros mots, par des éclats de voix, par des délations véhémentes illustrées de citations tronquées. Un chrétien pourrait trouver profit à tenter la réfutation et par conséquent l’étude consciencieuse de la doctrine positiviste; dans une critique sérieuse, il se garderait de bafouer un ensemble d’idées qui, sans être entièrement accepté, a obtenu cependant l’attention sérieuse et l’estime scientifique de plusieurs des plus honnêtes et des plus grands esprits de notre époque. Nos lecteurs ont jugé par eux-mêmes du parti que des philosophes distingués de l’école spiritualiste, MM. Janet et Caro, ont pu tirer en faveur de leurs doctrines de l’analyse respectueuse, mais pénétrante et ferme, à laquelle ils ont soumis dans la Revue les œuvres les plus récentes où sont exposés scientifiquement les systèmes que M. Dupanloup dénonce au hasard sans les discuter.’ M. l’évêque d’Orléans suit les pires traditions de l’arbitraire théologique ; il détache des propositions condamnables et pousse des cris d’horreur. Il nous ramène aux propositions relevées par les bulles papales dans Jansenius ou dans le père Quesnel, ou plutôt il recommence la méthode de ce pamphlétaire clérical des dernières années du règne de