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représenter le fondateur de Prome sous sa forme primitive, celle du castor, qu’il aurait eue dans une existence antérieure.

A peu de distance de Prome, quelques banderoles indiquent un sentier qui conduit le voyageur à travers la forêt jusqu’à une vallée rocheuse où se trouve la trace du pied de Bouddha, et que parcourt un torrent écumeux. Plus loin, la disposition des rochers présente une voûte immense formée par un arc-boutant naturel, couvert d’une épaisse végétation ; au pied, un lac étend ses eaux troublées, tandis que des crevasses du rocher l’eau dégoutte sur un bloc de pierre où la main des dévots bouddhistes a sculpté une figure qui compte parmi les objets les plus renommés de leur adoration.

Après avoir franchi la limite des possessions anglaises, on passe, en remontant le fleuve, devant les rochers rouges de Malun, derrière lesquels se dresse, sur une haute colline, la pagode élevée par les Birmans à la mémoire de Bandoula, leur héroïque et malheureux défenseur dans la guerre contre les Anglais. Plus loin, c’est Magweh et sa pagode appelée « le lit d’émeraudes. » Cet édifice, situé sur la rive escarpée du fleuve, avec sa partie inférieure en brique rouge, sa plate-forme blanche, sa flèche dorée se détachant sur le bleu foncé du ciel et la verdure des arbres qui l’entourent, éblouit les regards par sa position autant que par le jeu et l’harmonie des couleurs. Elle renferme des reliques de Gautama. Après avoir traversé « le fleuve de l’eau fétide, » contrée aride et désolée, mais où d’abondantes sources de pétrole, exploitées par les Arméniens, fournissent un revenu annuel de 1,362,325 roupies, et franchi le désert de sable au milieu duquel le volcan éteint de Pouppataun élève sa tête conique, on arrive à Syllemyoh, ville importante. Un jour de navigation encore, et les pointes d’un grand nombre de pagodes annoncent de loin au voyageur qu’il approche d’un des antiques sièges de l’empire, de Pagan.

Cette capitale, qui a succédé à Prome, fut trois fois reconstruite. Elle compte parmi ses grands rois Noatasa, ardent zélateur du bouddhisme, qu’il réforma, et au nom duquel il entreprit plusieurs guerres ; Yansitta, l’un des personnages les plus marquans de la cour brillante de Noatasa, et qui monta sur le trône à la faveur des troubles qui suivirent la mort de ce roi ; Alausindou, qui fit la conquête de Tenasserim au sud de la péninsule, s’empara de Ceylan, et porta ses armes dans l’Hindoustan jusqu’à Delhy ; enfin Narapatisejou, qui fonda Martaban, Tavoy, et se distingua par son zèle religieux autant que par ses conquêtes. Une terrible invasion chinoise mit fin à cet empire. Pagan fut détruit vers la fin du XIIIe siècle, et n’est plus représenté aujourd’hui que par quelques villages