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aux officiers et aux soldats : c’est la ville militaire. Elle est entourée d’une haute muraille flanquée de larges tours : quatre portes y donnent accès, et sont fermées tous les soirs. Il faut la traverser pour pénétrer dans l’enceinte intérieure ou ville royale, qui présente un caractère tout particulier : c’est un vaste ensemble d’édifices, de cours, de jardins, d’étangs, entourés d’un mur et d’une haute palissade. Au centre s’élève une tour en spirale à sept circonvolutions et toute dorée, du haut de laquelle la vue s’étend sur la ville, la plaine avoisinante et les montagnes qui l’entourent ; elle marque la place du trône, qu’environnent de toutes parts des figures d’éléphans, de lions et d’hommes, pour attester l’empire souverain du roi sur tous les êtres. La salle de justice, où le roi rend ses sentences, et la salle de conférence des ministres, font partie du palais. Tous les autres édifices sont partagés entre les princes de la famille royale. Chacun de ces personnages a son habitation particulière, comprenant une maison avec jardin et étang : il a de plus en apanage une des provinces du pays, et vit des revenus qu’il en tire, ce qui a fait donner à ces princes la qualification officielle et suffisamment expressive de « mangeurs de villes. » Chacun d’eux emprunte son nom à la ville ou à la province dont il est le gouverneur en titre et qui est chargée de le nourrir.

La ville royale, enclose au cœur de la ville militaire, fermée et fortifiée de tous côtés, est aussi bien défendue que la ville populaire l’est peu. C’est que, tant que la première subsiste, l’empire est en sûreté ; si elle vient à succomber, l’empire tombe avec elle. Ce trait donne la clé de tout le système du gouvernement. Le roi est tout dans l’état ; c’est dans sa personne que réside la souveraineté tout entière. Il a pour insigne le parasol, et le parasol blanc ; nul autre que lui n’en peut porter de cette couleur ; celui des princes est doré ; les sujets se contentent du parasol rouge. Aux abords du palais tous les parasols doivent être fermés et abaissés, et il n’est pas permis d’entrer avec un parasol dans la résidence royale. Le parasol du roi est vénéré à l’égal du monarque lui-même, et les annales birmanes racontent que souvent, en cas d’incertitude sur le droit de succession, on consulta le parasol pour la désignation d’un roi nouveau. Ces cas d’incertitude sont fréquens, car il n’y a pas d’ordre bien établi. Le droit d’aînesse domine, mais sans qu’on soit tenu d’observer l’ordre de descendance directe : d’où il suit que le frère du roi défunt peut avoir plus de droits que le fils de ce même roi. Il en résulte des compétitions et des usurpations dont l’histoire birmane offre de nombreux exemples, et le Birma traverse actuellement une de ces crises provoquées par les prétentions rivales des princes. La lutte est d’autant plus prompte à naître entre les membres de la