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Une complication pareille pour des transactions aussi élémentaires annonce une certaine simplicité dans la vie. Quoique passionnés pour la parure, les Birmans ont un costume très primitif ; il est vrai que le climat le veut ainsi. Leur vêtement se réduit à peu près au poutzo, pièce d’étoffe assez large et très longue qu’ils s’enroulent autour des reins, mais qu’ils drapent de diverses manières, selon qu’ils sont en tenue de travail, du matin, de visite ou de promenade. Ce vêtement laisse la partie supérieure du corps et les extrémités à découvert ; dans les solennités, on y ajoute une jaquette blanche. Le costume militaire se compose d’un poutzo vert et d’une jaquette rouge. Un simple bandeau ceint le front et retient leurs cheveux, toujours très soignés, huilés et rassemblés sur le sommet de la tête. Le luxe des Birmans consiste dans les colliers, les bracelets, les anneaux autour des jambes ; le gouvernement a cru devoir faire des lois somptuaires pour réprimer le goût exagéré de la magnificence. C’est à la même passion que doit être attribué le développement qu’ils donnent au lobe de l’oreille par le poids qu’ils lui font porter, l’habitude de se teindre les dents en noir pour détruire les effets du bétel, et surtout l’étrange pratique du tatouage, coutume nationale dont ils se montrent extrêmement fiers. L’opération s’exécute ordinairement en noir sur la cuisse et même sur toute la jambe, quelquefois en rouge sur les parties supérieures du corps. Elle est douloureuse ; le patient est étendu sur une table, et l’opérateur promène dans la peau une pointe en acier préalablement trempée dans le noir ou le rouge. Le patient fait tous ses efforts pour ne pas crier, et pendant trois jours au moins il est hors d’état de rien faire. Si l’on tatoue les enfans trop jeunes, la peau finit par s’écailler, ce qui n’est pas considéré comme un signe de beauté. Les Birmans attachent un grand prix aux dessins dont ils couvrent ainsi leurs membres : les figures de tigre ou d’éléphant éveillent des idées de courage et de noblesse, celle d’un perroquet assure la faveur royale, un cercle autour du poignet est une garantie qu’on sera parfaitement obéi, chaque figure en un mot a sa vertu particulière. Enfin, et c’est la principale raison de l’importance qu’on y attache, ces embellissemens passent pour être la preuve qu’on supporte héroïquement la douleur, ce qui n’empêche pas de prendre de l’opium avant l’opération pour diminuer la souffrance. Dans le palais de Mandalay, on savait très bien, en pareil cas aussi, demander à M. Bastian « de la médecine européenne ou soporifique » (du chloroforme) ; mais cela se faisait secrètement, car si l’on manque de courage, il faut au moins qu’il n’y paraisse pas. La mastication du bétel ou plutôt d’une composition de feuilles de bétel, de chaux, de safran et de noix d’arec, à laquelle les Birmans s’adonnent constamment, a pour