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du commerce dans cet empire : les Birmans travaillent autant qu’il faut pour vivre, nourrir les moines et payer l’impôt. Puis ils se reposent, n’ayant pas l’idée qu’ils puissent recueillir et garder pour eux les fruits de leur travail. Ceux qui, plus actifs ou plus heureux, acquièrent une fortune l’emploient en œuvres pies, ou s’en servent pour obtenir des dignités sans valeur qui ne sont qu’un signe de servitude. Aussi toute entreprise un peu vaste est-elle entre les mains des étrangers ; ce sont des Arméniens qui exploitent les sources d’huile de pétrole et les forêts de bois de teck affermées par le roi ; les Chinois ont établi des distilleries de sucre de palmier. Le roi paraît cependant disposé à favoriser le mouvement commercial et industriel : il ne craint pas d’appeler les étrangers ; il a affermé à un Français, M. d’Aveyra, une partie des forêts de teck ; un autre Français, protégé par le prince héritier, a établi à Mandalay une manufacture d’armes. Le roi encourage les plantations d’indigo et de coton sur une grande échelle ; mais il trouve dans le génie de son peuple et surtout dans l’organisation de son gouvernement et dans les traditions de la royauté des obstacles dont il ne peut pas même sentir toute la force.

Les Birmans sont en relations de commerce avec les Chinois. Chaque année une caravane apporte du Céleste-Empire de la soie, du velours, de l’orpiment, du miel, du papier, des feuilles d’or, des poêles en fer, des confitures, des fruits secs, des pommes ; elle emporte du coton, de l’ivoire, des pierres précieuses, des noix d’arec, de l’opium du Bengale, des produits anglais, des nids d’oiseaux, des nageoires de requin. Il s’en faut bien néanmoins que ce mouvement soit régulier. Pour peu que la province chinoise de Yunnan, limitrophe du Birma, soit agitée par quelques troubles, ce qui n’est pas rare, la caravane ne paraît pas. D’ailleurs le système monétaire des Birmans est un indice de l’imperfection de leurs relations commerciales. Il est fort simple ou, pour mieux dire, presque nul : dans les grandes villes où le mouvement des affaires exige une certaine facilité, on se contente de pièces de monnaie d’un aloi douteux ; mais dans les campagnes on se montre plus difficile. La défiance fait même souvent repousser tout métal, et les noix d’arec deviennent le moyen d’échange. Dans bien des marchés, la vente se fait au poids de l’argent ; l’acheteur doit se munir de lingots, d’un marteau, d’un ciseau, d’une balance, montrer son argent avant d’acheter, le laisser essayer par des gens dont c’est le métier, peser son lingot, le rogner au besoin pour livrer le poids voulu, si mieux il n’aime augmenter la valeur de l’achat, ce qui est souvent plus avantageux. Le plomb ou même le riz servent fréquemment d’appoint ou de solde dans l’exécution de ces contrats.