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On posait à Newton des questions auxquelles son hypothèse ne répondait pas : « où va la lumière quand elle s’éteint ? où vont les corpuscules qu’émettent sans cesse les sources lumineuses ? »

Descartes avait émis l’idée qu’une matière subtile remplit les espaces planétaires. On s’empara de cette conjecture à l’aide de laquelle il avait vainement essayé d’expliquer les phénomènes astronomiques ; on l’appliqua à la lumière. Malebranche fut des premiers à soupçonner que la lumière est produite par les ondulations d’un éther, et que les différences des longueurs d’ondes constituent les couleurs. Huyghens adopta ce système et en soumit les déductions au calcul. Ainsi admise dans la science à titre hypothétique, l’existence de l’éther devint de plus en plus probable à mesure que l’expérience justifia les conclusions tirées de ce principe. Cependant Newton soutenait avec énergie la théorie de l’émission, et accumulait pour la défendre des preuves dont un grand nombre nous paraissent bien bizarres aujourd’hui. Euler appuyait Huyghens, et il voyait dans une sorte de classification des phénomènes qui affectent nos sens un argument en faveur des ondulations. « Pour percevoir un objet par le tact, disait-il, il faut que nous soyons contre cet objet même. Quant aux odeurs, nous savons qu’elles sont produites par des particules matérielles qui s’échappent du corps volatil. Lorsqu’il s’agit de l’ouïe, rien n’est détaché du corps résonnant. La distance à laquelle nos sens connaissent la présence des objets est nulle dans le cas du toucher, petite dans le cas de l’odorat, assez grande dans le cas de l’ouïe ; cette distance devient considérable dans le cas de la vue. En suivant cette progression, on doit croire que la vue perçoit suivant le même mode que l’ouïe et non pas suivant le même mode que l’odorat ; on doit supposer que les corps lumineux vibrent comme les corps sonores, au lieu d’émettre des particules comme les substances volatiles. »

On apportait dans le débat des faits curieux observés dès le milieu du XVIIe siècle par le père Grimaldi, moine bolonais, qui avait laissé un traité d’optique très original (De lumine, coloribus et iride ; Bologne, 1665). Si l’on perce un très petit trou dans un volet et qu’on examine le cône lumineux qui passe par cet orifice, on remarque que le icône est beaucoup moins aigu qu’on ne devrait le supposer à ne considérer que la transmission rectiligne des rayons. L’expérience devient plus frappante encore si on interpose sur le trajet du faisceau lumineux un second, volet percé d’un nouveau trou ; on constate alors facilement que les rayons du second cône sont plus divergens que ceux du premier. — Si dans le cône lumineux on introduit un fil fin et qu’on en projette l’ombre sur un écran, l’ombre apparaît entourée de trois franges colorées, et l’on voit