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démontre d’une manière générale l’étude du spectre ; mais on peut citer à cet égard quelques faits curieux et caractéristiques qui ont : été signalés dans ces dernières années. Qu’on projette sur un écran le spectre d’un corps solide fortement chauffé. Tant que le corps reste seulement incandescent, tant que ses molécules ne sont pas dégagées des liens de la cohésion, le spectre demeure continu ; on n’y aperçoit ni raies obscures ni raies brillantes ; les ondes de toutes les couleurs et de toutes les nuances intermédiaires se produisent à la fois. Si on chauffe plus fort, le corps va dépasser l’incandescence, il y a entrer en combustion ; alors les molécules deviennent libres, pendant un instant au moins. Alors aussi des raies brillantes et des raies obscures apparaissent dans le spectre. Les ondes, par conséquent se renforcent sur certains points et faiblissent sur d’autres ; elles reçoivent une nouvelle discipline. Que ce soient les molécules mêmes du corps chauffé qui, dans leur état de liberté, impriment aux ondes ces modifications particulières, on n’en saurait douter, car chaque substance donne ainsi des raies tellement nettes et définies, que leur seul aspect suffit à la désigner. L’acoustique nous fournit au sujet de ces phénomènes des analogies qui se présentent d’elles-mêmes à l’esprit : ce qui se passe quand le corps est incandescent peut être comparé aux bruits qui résultent d’ondes confuses et de toutes longueurs ; les effets produits par les molécules libres rappellent les sons harmoniques émis par des cordes dont aucun obstacle ne gêne la vibration.

Voici d’ailleurs un nouveau, fait récemment découvert. Nous venons de voir que chaque substance, en brûlant, donne ses raies propres. Quand on brûle du sodium par exemple, on observe une raie très brillante dans la partie jaune du spectre, en un point nettement, déterminé (raie D de Fraunofer), Si maintenant, au lieu de brûler du sodium, on interpose de la vapeur sodique sur le chemin d’un rayon qui devrait donner un spectre continu, le phénomène est complètement renversé ; au point précis où il y avait tout à l’heure une raie brillante, on trouve une raie obscure. Ainsi la vapeur du sodium, quand elle sert d’écran, absorbe précisément les ondes mêmes qu’elle émet quand elle sert de source lumineuse. Observé sur les vapeurs de l’iode, du strontium, du fer, ce fait a pu être généralisé ; il est connu maintenant sous le nom de renversement du spectre ; il montre que les corps tendent à la fois à absorber et à émettre les mêmes ondes. Nous étonnerons-nous de cette double tendance au point de vue où nous sommes maintenant placés, et n’y reconnaîtrons-nous pas la conséquence nécessaire des principes qui expliquent pour nous toute la physique ? Dès l’instant que certains mouvemens éthérés ont une facilité spéciale à