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déterminée au photomètre, ne fait nullement prévoir le temps de pose qui sera nécessaire pour obtenir une belle épreuve, et on évite volontiers d’opérer le soir quand même il ferait plus clair le soir que le matin. On voit qu’il s’ouvre ici un vaste champ de recherches dont l’exploration est a peine commencée.

Après avoir étudié leur instrument avec un soin minutieux, MM. Bunsen et Roscoe ont abordé le problème principal qui consistait à mesurer les effets chimiques du soleil et ceux d’un ciel sans nuages. Ces effets ont été exprimés par l’épaisseur d’une couche d’acide chlorhydrique qui se déposerait au fond d’une atmosphère fictive de chlore et d’hydrogène interposée sur le trajet des rayons lumineux. Par un temps serein, cette couche fictive augmente sans cesse à mesure que le soleil s’élève ; l’apparition d’un nuage à l’horizon renforce l’effet du rayonnement céleste au lieu de l’amoindrir. Les moyennes profondeurs diurnes, mensuelles, annuelles, de cette mer imaginaire sont l’expression du climat chimique. C’est comme si on représentait le climat thermométrique par l’épaisseur variable d’une couche de glace que le rayonnement calorifique du soleil ferait fondre en une minute à la surface du sol. Sir John Herschel, M. Pouillet, M. Quételet et d’autres physiciens ont fait quelques déterminations de ce genre à l’aide d’instrumens spéciaux ; mais ces observations sont restées isolées malgré l’intérêt qui s’y attache. On se borne à multiplier à tort et à travers les observations du thermomètre, qui fait connaître la température ou l’état d’équilibre calorifique de l’air, et c’est sur cette donnée qu’on raisonne lorsqu’on parle des rapports climatologiques des différens pays. Pour avoir des données strictement comparables dans les deux cas, il faudrait définir la température chimique, qui serait quelque chose d’analogue à la température thermométrique, un état particulier des substances sensibles exposées aux rayons solaires[1]. C’est ce qui est encore à faire, comme d’un autre côté il reste encore à recueillir des observations régulières et suivies sur l’intensité de la radiation calorifique du soleil.

MM. Bunsen et Roscoe se sont d’abord appliqués à évaluer en mesure absolue l’effet chimique de la lumière diffuse. Le mesurer directement eût été chose difficile avec un appareil qui ferait explosion s’il était exposé au plein jour. Voici comment on s’est tiré d’affaire. On a mesuré directement l’illumination chimique d’une surface horizontale exposée à la lumière qui tombait du zénith ; on obtenait ainsi l’éclat chimique du zénith. Ensuite on a comparé, au moyen d’un photomètre ordinaire, l’illumination due à la

  1. On pourrait voir une indication de la réalité d’un tel état des corps dans les faits curieux observés par M. Niepce de Saint-Victor, et qui nous obligent à admettre une activité persistante de la lumière. Une feuille de papier blanc ou un fragment de porcelaine qu’on a exposés au soleil acquièrent la propriété de réduire les sels d’argent comme le ferait la lumière. Les phénomènes de fluorescence et de phosphorescence rentrent également dans cet ordre de faits.