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l’absorption qu’ils exercent selon les circonstances, la provision d’énergie chimique que la végétation reçoit du soleil, et qui n’est pas moins indispensable à l’économie vitale des plantes que l’humidité ou la chaleur du sol et de l’air.

Il restait à déterminer l’activité chimique des rayons solaires directs. A cet effet, on a fait tomber sur l’appareil insolateur non point ces rayons en totalité, mais seulement la fraction qui passait à travers un trou très fin percé dans une plaque de cuivre, fraction égale à un dix-millième du rayonnement total ; on multipliait ensuite par 10,000 l’effet observé. L’expérience a montré que la force chimique du soleil augmente, comme sa chaleur, à mesure qu’il monte vers le zénith ; c’est l’effet prévu de l’absorption atmosphérique, très forte près de l’horizon et de moins en moins sensible à mesure que les rayons deviennent moins obliques. Les lois de cette absorption se déduisent facilement des données expérimentales, et dès lors on peut calculer ce qu’elle serait au sommet des montagnes, où l’air est moins dense et plus diaphane que dans les plaines ; enfin on peut déterminer l’intensité primitive des rayons chimiques, celle que nous observerions si l’atmosphère était supprimée. Voici quelques-uns des résultats auxquels on arrive par ce calcul. Prenons encore pour exemple un jour d’équinoxe, et cherchons l’intensité du soleil à midi. Nous trouverons qu’à l’île Melville il produit une illumination chimique directe égale à 40 centimètres d’acide chlorhydrique ; à Reykiavik, en Islande, l’effet serait encore exprimé par 2m3, à Paris par 6m 56 ; au Caire, il atteindrait 11m 7. Si on compare les nombres relatifs à la lumière diffuse et au plein soleil, on arrive à ce résultat assez singulier que l’illumination chimique produite par la lumière du ciel l’emporte sur celle qui est due aux rayons directs tant que le soleil ne s’élève pas à plus de 30 degrés au-dessus de l’horizon. En calculant la somme d’action que le soleil exerce pendant une journée et en l’ajoutant à celle qui a été trouvée pour la lumière diffuse, on obtient l’effet total de la lumière du jour. Voici quelques chiffres : à l’île Melville, le soleil donne 132 mètres d’acide, le ciel 1,174, la somme est 1,306 ; à Paris, nous avons respectivement 2,082, 2,128 et 4,210 mètres, au Caire 2,400, 4,037, 6,437 mètres. Sous l’équateur, le soleil seul donnerait de 5 à 6 kilomètres d’acide par un jour d’équinoxe.

La force du soleil augmente sur les montagnes, où l’air, plus rare, absorbe moins de rayons. Au sommet de l’Hékla, un soleil élevé de 10 degrés produit une illumination chimique deux fois plus forte que celle que reçoit la côte au même moment. Sur la cime neigeuse du Gaurisankar, à 9,000 mètres au-dessus de la mer, le même soleil équivaut à 7 mètres d’acide chlorhydrique ; c’est dix fois ce qu’il vaut au sommet de l’Hékla. A l’époque où il darde ses rayons presque d’aplomb sur le parallèle de l’Himalaya, l’énergie chimique du soleil est de moitié plus grande sur les plateaux tibétains, accessibles à la culture du blé, que dans les plaines basses de l’Inde. La différence augmente pour un soleil moins élevé ; lorsqu’il est à