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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/239

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mi-chemin entre le zénith et l’horizon, l’illumination des plateaux est déjà double de celle des bas-fonds.

L’expérience confirme ces déductions théoriques. Les voyageurs sont unanimes pour vanter l’admirable transparence de l’air sur les hautes montagnes. La célèbre expédition de Ténériffe, entreprise en 1856 par une commission scientifique de l’Association britannique, a également contribué à faire apprécier cette supériorité des stations élevées. On avait transporté des télescopes au sommet du cône volcanique de Ténériffe, qui domine la mer de 3,700 mètres. Jamais on n’avait encore vu les astres avec des contours aussi nettement définis. Les épreuves photographiques que l’on prenait des hauteurs voisines montraient incomparablement plus de détails lorsqu’elles étaient obtenues au sommet du pic que lorsque le point de vue avait été choisi dans la plaine. En regardant à la loupe une de ces épreuves, on a constaté par exemple qu’un versant de montagne éloigné de 7 kilomètres avait été reproduit avec des détails d’une telle finesse qu’on y distinguait les pierres et les buissons. Sur le plateau de Quito, dont l’altitude approche de 3,000 mètres, Alexandre de Humboldt aperçut un jour à l’œil nu un petit point blanc qui semblait cheminer le long d’un mur de basalte noir ; s’étant armé d’une lunette d’approche, il constata que le point blanc n’était autre chose que son ami Bonpland, enveloppé dans un manteau de voyage de couleur claire ; la distance était de 30 kilomètres. Ces exemples prouvent combien l’air devient plus transparent et la lumière plus intense à mesure qu’on s’élève dans l’atmosphère. Les botanistes qui ont étudié la flore des montagnes se sont étonnés quelquefois de rencontrer certaines plantes à une hauteur d’où l’abaissement de la température semblait les exclure. Cette persistance d’une végétation frileuse dans les régions élevées s’explique probablement par le surcroît de lumière qu’elle y reçoit : la lumière répare jusqu’à un certain point le tort que le froid peut faire à la végétation. Si la vigne recherche le soleil, ce n’est point assurément à cause de la chaleur seule, mais c’est encore, et peut-être surtout, à cause de la lumière ; c’est la lumière qui dore les grappes et y élabore les principes sucrés.

La force primitive des rayons solaires, avant qu’ils arrivent aux limites de l’atmosphère, se représente par 35 mètres d’acide chlorhydrique par minute. Il s’ensuit que la somme totale de lumière que la terre reçoit du soleil dans l’année représente une force chimique suffisante pour faire naître un océan d’acide chlorhydrique couvrant toute la surface du globe et ayant une profondeur de 4,640 kilomètres, égale au tiers du diamètre de la terre. M. Pouillet a trouvé que la chaleur solaire, si elle traversait librement notre atmosphère, ferait fondre en une minute une épaisseur de glace égale à un cinquième de millimètre, et dans l’année une croûte de glace de 31 mètres enveloppant toute la terre.

Si on considère maintenant que nous sommes à 15 millions de myriamètres du soleil, et que, vue de cet astre, la terre ne paraîtrait que comme un