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d’urane, quand cette eau était exposée au soleil. Cette expérience contient peut-être déjà la clé des phénomènes de la maturation, qui reposent sur la formation de sucre dans les fruits.

S’il était démontré que la vie des plantes dépend plus spécialement des rayons les plus lumineux, il faudrait comprendre dans les recherches de météorologie une application régulière et suivie des procédés photométriques ordinaires, par lesquels on observe l’éclat de la lumière visible. Nous ne possédons que très peu de données expérimentales qui se rapportent à ce sujet : quelques déterminations de Bouguer relatives à l’absorption des rayons solaires dans l’atmosphère terrestre ; les observations que Saussure a faites sur la transparence de l’air en mesurant les distances auxquelles des disques noirs sur fond blanc cessaient d’être visibles ; celles qui ont été faites au moyen du cyanomètre sur la couleur bleue du ciel par Saussure lui-même, qui est l’auteur du procédé, par Humboldt et par d’autres voyageurs ; enfin un petit nombre d’autres données isolées qui ne conduisent encore à aucune conclusion générale sur le régime de la lumière considérée comme élément climatologique. Il y a là une nouvelle branche de la météorologie à fonder, un vaste ensemble de faits à étudier et peut-être des applications très importantes à recueillir que nous n’avons pu que faire entrevoir. Quand la photométrie nous aura fait connaître le climat chimique des différentes zones et les circonstances qui en déterminent les modifications locales, nous finirons par nous expliquer bien des anomalies apparentes de la végétation et peut-être aussi de la vie animale. La température, l’humidité, les vents, ne suffisent pas pour rendre compte de tout ce que l’expérience enseigne au cultivateur, souvent à ses dépens ; il est presque certain que l’étude suivie des variations de la lumière céleste contribuerait beaucoup à éclaircir certaines énigmes de la chimie agricole. Pourquoi, des engrais parfaitement combinés donnent-ils parfois des résultats si imprévus ? Pourquoi le même régime ne convient-il pas aux mêmes plantes sous deux climats en apparence tout semblables ? Il serait prématuré de vouloir, à l’heure qu’il est, appliquer les données encore si rudimentaires de la climatologie chimique à la solution de questions très spéciales ; mais tout porte à croire que c’est dans cette voie qu’il faudra la chercher. Dans le midi, les cultivateurs aiment à dire : Tant vaut l’eau, tant vaut la terre ; peut-être qu’un jour on dira : Tant vaut la lumière, tant vaut l’herbe. Le photomètre pourrait devenir un instrument populaire, un instrument bourgeois, comme le thermomètre, le baromètre, ou la montre de poche, qui à l’origine n’étaient aussi accessibles qu’aux initiés. C’est ainsi que chaque jour des voies nouvelles s’ouvrent aux pionniers du progrès, que des horizons plus étendus se découvrent à mesure que la science nous procure des points de vue plus élevés ; mais plus on avance, et plus la route qui reste à parcourir semble s’allonger, et le but fuir devant nous.


R. RADAU.