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voilà qu’à propos du Slesvig et du Holstein le principe des nationalités est invoqué. La diète se met en frais de germanisme ; la Prusse n’en veut pas laisser à la diète l’honneur et la popularité ; l’Autriche n’en laissera pas à la Prusse la popularité ni l’honneur, et elle s’unit à elle pour faire à contre-cœur une guerre demandée par la démocratie unitaire. Au mépris d’un traité récent, on dépouille un état irréprochable et faible, et l’on achève d’ébranler toutes les bases du droit public en prouvant solennellement que les traités de 1815 sont non-avenus pour ceux qu’ils gênent. A l’heure du partage des dépouilles, les vainqueurs se divisent ; alors on se sépare de la Prusse pour revenir à la confédération. La rupture éclate, la guerre est imminente. Un dernier effort est tenté pour un accommodement. Qui s’y refuse ? Encore l’Autriche, qui se donne gratuitement le tort apparent de l’agression. Apparemment elle est prête à combattre, elle a toute confiance dans ses généraux et dans son armée ; elle est assurée de la victoire… On sait le reste.

Ne semble-t-il pas qu’il y ait dans cette conduite décousue, contradictoire, tour à tour imprudente et timide, les signes d’affaiblissement d’une puissance en dissolution, également incapable de vivre selon le passé et selon le présent ? Quand on l’a vue non-seulement succomber, mais céder si vite, l’étonnement a été universel. On en a fait honneur à l’infanterie prussienne, à son tir, à son fusil. Tout cela, je n’en doute pas, est redoutable ; mais qu’on me laisse croire que d’autres causes et de plus générales ont ici combattu pour le vainqueur. Il avait avec lui l’opinion qui doit vaincre ; il était, non sans regret peut-être, l’instrument de cette force des choses qui doit avec le temps briser toutes les barrières et balayer tous les débris d’un régime partout condamné. Dans les populations spectatrices et jusque dans les armées belligérantes, la confiance était, il le faut croire, du côté du nord.

Dans ces luttes de l’ancien et du nouveau, dans ces conflits révolutionnaires au moins par leurs conséquences, l’agression ne sera pas toujours juste ni mesurée. Des passions ambitieuses ou vindicatives animeront plus d’une fois les assaillans. Qui en doute ? Ce ne sont pas apparemment les enfans de la révolution française. On doit s’attendre à réprouver, à maudire plus d’une fois les moyens qui serviront même le bon droit. Il les faut dénoncer sans crainte et sans ménagement à la conscience publique ; mais il faut, dans les causes comme dans les résultats, distinguer le bon du mauvais, le nécessaire de l’accidentel, et surtout il faut s’attendre à voir des intérêts légitimes froissés ou compromis par des progrès dont la civilisation générale peut s’applaudir. C’est la triste condition des