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torpilles fixes ne peuvent servir que sur les côtes ou à l’entrée des ports, et que l’emploi des torpilles volantes est encore à découvrir ; que nous reste-t-il ? Le bélier et le canon.

On voit de prime abord que tout navire dont la machine est avariée, ou dont le gouvernail ou l’hélice ne fonctionne plus, est perdu, s’il n’est retiré promptement du champ de bataille. L’exemple du Re d’Italia (en admettant la version italienne qui accuse une rupture dans son gouvernail) nous dispense d’entrer dans plus d’explications. De là nécessité absolue d’abriter le gouvernail par tous les moyens en notre pouvoir.

On voit aussi tout de suite que les batailles navales deviennent forcément d’affreuses mêlées, auxquelles le choc des bâtimens se heurtant et se raclant à toute vitesse, les canons tirant à bout portant ou de très près au sein d’épais tourbillons de fumée, donneront un caractère vertigineux. Il faut que la fibre des hommes, surtout celle des capitaines, se trempe à ces émotions d’un ordre nouveau, car il est indispensable de conserver du sang-froid, un coup d’œil prompt et sûr au milieu de ces scènes presque diaboliques.

Quant au choc normal, — coup terrible, mortel, s’il est donné avec masse et vitesse, — avec des marins consommés, maîtres d’eux-mêmes, il est si facile de l’éviter, du moins s’il ne s’agit que d’un duel de navire à navire, que, bien qu’il apparaisse comme la base fondamentale, l’œuvre finale du combat de mer, il ne deviendra une manœuvre réelle de guerre, un coup forcé et décisif que quand plusieurs navires sauront se réunir contre un seul. C’est là que tout à coup, au milieu de la mêlée, l’initiative des capitaines prend une importance capitale, car les dispositions de l’amiral ne peuvent que préparer ces étreintes redoutables, et n’ont guère d’effet direct qu’au premier élan. Le génie de la guerre dans certaines âmes inspirées révélera sans doute des combinaisons foudroyantes, et alors quels craquemens ! que de gouffres entr’ouverts ! Nous ne voulons signaler d’avance aucune de ces formidables manœuvres, l’exemple du Max jette ici assez de lumières. Ah ! comme les hommes au cœur de diamant, les Anglais diraient dogged heart, vont respirer et se mouvoir dans cette atmosphère pleine de foudres ! On le voit, une triple loi s’impose d’elle-même à la construction navale : le navire de combat veut une grande vitesse, une évolution rapide, et un éperon pour frapper l’ennemi au-dessous de la cuirasse.

Nous devons le faire remarquer, le coup de bélier du Max exerce malgré nous une sorte de fascination ; mais la circonstance était extraordinaire, et l’amiral Tegethof a eu une chance inouïe dont il a su habilement profiter. Malgré la puissance incontestable