Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/391

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fait les souverains des grandes nations étrangères. Les excommunications qui faisaient trembler celles-ci laissaient tout à fait indifférons un doge de Venise, un Visconti de Milan et un Médicis de Florence. Le premier y répondait en faisant planter une potence à la porte de chaque église pour indiquer au prêtre qui aurait publié la bulle le sort qui l’attendait, le second en faisant manger cette bulle avec les sceaux de plomb et les lacets de soie aux prélats qui la lui avaient apportée, le troisième enfin en portant la guerre dans les domaines de l’église au cri de libertà e popolo. L’ascendant sous lequel pliaient les souverains du dehors était sans effet sur les pouvoirs italiens. La religion même n’est pas en Italie ce sentiment profond qui plonge dans l’être moral et se mêle à la vie intime ; elle est une affaire d’imagination qui s’arrête à la surface, un vague ensemble de croyances fugitives et d’émotions extérieures qui se dissipe au souffle de la première passion venue. La passion de l’unité nationale, irritée trop longtemps par le non possumus, pourrait bien en fin de compte aboutir à ce résultat inattendu. Divers symptômes trahissent la sourde agitation des esprits. La littérature et la science italiennes prennent une attitude plus tranchée. La réforme de l’église, la séparation des deux pouvoirs n’est pas appelée seulement par des laïques, elle trouve des adhérens à tous les degrés de la hiérarchie ecclésiastique, et jusque sur les marches du trône électif des papes. Sous les mouvemens bruyans et tumultueux de la politique, qui seuls attirent les regards, il se fait à cette heure un grand travail de révision des croyances et du système gouvernemental de l’église, travail silencieux qui déplace peu à peu les bases de l’ancienne foi, et les fait résider, non plus dans l’autorité hiérarchique, mais dans la libre acceptation individuelle, non plus dans la tradition infaillible, mais dans des textes connus et librement interprétés. C’est l’individu qui fait son entrée dans l’église par le libre examen, comme il l’a faite dans l’état par le suffrage universel. La société religieuse et la société politique tendent à s’équilibrer sur le même plan. Parti du pied des Alpes, du sein de ces populations vaudoises qui ne se rangèrent jamais sous le niveau de l’orthodoxie romaine, le mouvement d’émancipation individuelle s’est étendu d’abord sur le Piémont avec la liberté sarde, puis sur l’Italie centrale et méridionale à mesure que ces contrées se sont ouvertes à la libre discussion. Dès 1861, trois ans avant le transfert de la capitale, le centre de cette action hétérodoxe s’est porté à Florence, dans le palais d’un ancien archevêque de cette ville. C’est là, sur cette terre qui a dévoré tant de dissidens au moyen âge, que la seule hérésie qui ait survécu aux persécutions, la chiesa valdese, est venue s’installer. Elle a établi dans ce