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s’élevait le gouverneur de Canton, c’était contre l’abus qu’on en faisait, car depuis longtemps la chose se pratiquait dans certains ports de Chine en vertu d’une tolérance tacite de la part des mandarins. Dès 1845, un Français, M. Becque, avait conduit à Bourbon sans trop d’encombre plusieurs convois de Chinois munis de contrats en règle. Toutefois ce mode d’émigration ne fut régulièrement organisé qu’à partir de 1859, sous la surveillance de commissaires nommés à cet effet tant par la Grande-Bretagne que par la France et l’Espagne, et ce ne fut même que le 6 mars 1866 qu’une convention fut enfin signée à Pékin, par laquelle le gouvernement chinois reconnaissait officiellement les opérations des agences qui fonctionnaient sur la côte. Le contrat-type adopté par les Anglais peut être cité comme un modèle pour les libérales dispositions qu’il assure. La durée de l’engagement est de cinq ans. L’émigrant a droit au départ à une avance remboursable de 20 dollars, ainsi qu’à l’habillement et à la nourriture pendant le voyage. A l’arrivée, une solde mensuelle de il dollars lui est d’abord offerte pour une journée de sept heures et demie de travail, et il est de plus nourri, logé et soigné en cas de maladie ; mais il peut travailler à la journée, s’il le préfère, et il peut aussi réclamer l’annulation de son contrat à la fin de la première année en remboursant les quatre cinquièmes du prix de son passage, évalué à 75 dollars. Il a la même latitude à toute autre période de ses cinq ans en se libérant à raison de 25 dollars par année de service restant à courir. L’agence se charge des envois d’argent en Chine, et elle se charge également de payer au besoin une délégation de 2 dollars par mois aux parens que l’émigrant a laissés au pays. Si ce dernier veut emmener sa famille, il est fait, à titre d’encouragement, un don de 20 dollars à la femme, de 5 à chaque enfant, et le passage leur est librement accordé sans nul engagement à l’arrivée. Le contrat français, très équitable d’ailleurs, semble moins libéral cependant que celui des Anglais, d’abord en ce que la durée de l’engagement est de huit ans, et surtout en ce que l’émigrant n’a pas la faculté de le résilier ou de le modifier. La lacune capitale des deux contrats est l’absence de toute stipulation relative au retour, mais on n’a évidemment agi de la sorte qu’avec intention.

Les Anglais n’emploient les Chinois qu’à la Guyane et à la Trinidad. Depuis six ans que le système fonctionne régulièrement, ils y ont expédié par an 2,000 travailleurs environ, répartis entre les deux colonies. En 1860, sur 1,850 émigrans, on ne comptait que 259 femmes ; en 1863, le Gange emmenait 293 hommes et 100 femmes, et en 1864 le Zouave débarquait à Demerari 337 hommes et 157 femmes. Il y a progrès évident, comme l’indique aussi la