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point davantage. Nous n’ignorons pas que le pape est en butte aux conseils les plus désespérés, que de tous côtés les esprits chagrins et violens s’efforcent de le pousser au parti le plus extrême. On voudrait que le pape quittât Rome quand les soldats français auront cessé de le protéger. On voudrait voir commencer pour la papauté exilée et errante un exode rempli de luttes et d’incertitudes. Nous ne pensons point que ces excitations parviennent à ébranler la nature tendre et enjouée de Pie IX et la prudence ordinaire de la curie romaine. Il ne faut redouter de la part de la papauté aucune résolution intempestive, aucune démarche précipitée et hasardeuse. Un acte seul de brutalité matérielle pourrait faire prendre au pape la résolution de l’exil. L’opposition passive et respectueuse de ses sujets ne suffirait point pour justifier dans la conscience du pasteur des âmes l’abandon du siège apostolique. On doit reconnaître qu’il existe entre Rome et l’Italie deux causes de difficultés fort graves, quoique d’ordre différent. Une de ces difficultés est religieuse et dogmatique, l’autre est gouvernementale et pratique. La difficulté dogmatique porte sur les différends et les conflits qui existent entre certaines lois de l’église et quelques-uns des principes régulateurs des constitutions politiques et civiles des sociétés modernes. L’église, par exemple, professe que les liens de la famille ne peuvent être légitimement formés que sous la consécration de l’autorité religieuse, et l’église ne reconnaît point la justice des intérêts au nom desquels les gouvernemens et les peuples modernes l’ont privée de ses possessions matérielles et de son domaine temporel. Les idées de la papauté sur ce point, ayant la consistance d’une foi dogmatique, sont immuables. Il serait puéril d’espérer que l’on pût obtenir des papes ou de l’église aucune concession de principe ou de langage à cet égard. Le souverain pontife anathématisera en tout temps des actes qu’il ne peut considérer que comme des empiétemens impies du pouvoir civil sur le pouvoir religieux. De là ces encycliques et ces discours consistoriaux qui dénoncent et condamnent, au grand scandale de la société laïque, la sécularisation de biens ou de gouvernemens ecclésiastiques, les règles du droit civil émancipé du droit canonique, les principes de souveraineté nationale introduits dans le droit public ; mais il serait absurde, l’expérience l’a depuis longtemps démontré, de regarder l’existence de l’église romaine et de la hiérarchie catholique comme incompatible avec celle des nations qui ont émancipé leur droit civil et politique, sous le prétexte de cet antagonisme de principes et de dogmes. Quand on assiste à ces protestations du pouvoir religieux qui nient et offensent les conditions d’existence des sociétés modernes, au lieu de se laisser étourdir par cette contradiction absolue, les esprits réfléchis doivent avoir toujours présente une considération pratique qui atténue tout à fait l’absolutisme du dogme. Les impérieuses prétentions de l’église en ces matières contestées ne s’adressent qu’aux consciences ; dans les pays où les consciences y sont rebelles, l’église se contente de la proclamation et de la revendication verbale de ses inflexibles lois ; elle sait s’ar-