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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/489

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ranger pour vivre au milieu de sociétés qui repoussent cette partie de ses enseignemens. L’état en France s’est approprié les biens du clergé, et il a établi le mariage civil ; l’Allemagne a fait disparaître ses électorats ecclésiastiques, dont les titres étaient aussi respectables par l’antiquité que ceux du principat romain ; nous ne parlons point des grandes émancipations religieuses et politiques accomplies par la révolution protestante du XVIe siècle : eh bien ! l’église catholique, sans désavouer aucune de ses prétentions, mais subissant la nécessité des faits accomplis, n’a renoncé ni à vivre, ni à prospérer en France, en Allemagne, en Angleterre et aux États-Unis. La même chose doit arriver pour les rapports de Rome avec l’Italie. Que le pape s’élève dans ses consistoires contre l’appropriation des biens d’église, la suppression des couvens, le mariage civil, les actes révolutionnaires, inspirés du principe de la souveraineté du peuple, qui lui ont fait perdre ses plus belles provinces, il n’y a rien là qui doive surprendre : le pape est dans son rôle et dans sa tradition, dans ce qu’il considère comme le droit et le devoir de sa conscience s’adressant aux consciences catholiques ; mais, ces protestations et ces revendications ne devant plus avoir jamais aucune puissance sur les faits, il n’y a pas de raison pour que l’église ne supporte point aussi paisiblement en Italie qu’ailleurs une réalité qui l’étonne et l’afflige, et qui cependant la laisse entièrement libre dans la région la plus haute et la plus vaste de ses attributions religieuses.

L’antagonisme dogmatique n’est donc point pour la papauté un motif de fuir Rome dégagée de l’immixtion militaire étrangère et abandonnée aux lois naturelles de sa situation italienne. Restent les difficultés inhérentes au gouvernement du domaine temporel étroitement réduit de l’église. Ces difficultés sont d’un ordre inférieur, et ne doivent point rebuter les papes tant qu’ils regarderont la possession d’une petite souveraineté temporelle comme une garantie nécessaire de leur indépendance religieuse. Nous sommes persuadés que la puissance qui est aujourd’hui la plus intéressée à laisser s’accomplir en toute liberté la nouvelle expérience romaine est l’Italie ; nous sommes donc également convaincus qu’aucun embarras extérieur ne sera suscité au pape par le gouvernement italien, et que l’influence de ce gouvernement sur les populations romaines sera exercée au profit de l’autorité pontificale. Dans cet ordre de faits, le pape, comme souverain temporel, est soumis aux conditions de justice, de prévoyance et d’habileté auxquelles est attachée la conservation de toutes les souverainetés. Avec des dispositions franchement conciliantes, on surmonte bien des obstacles. Qu’une réciprocité de bon vouloir s’établisse entre la cour de Rome et l’Italie, et il sera facile d’arranger bien des choses. La question financière ne saurait être un souci : la charge des dettes afférentes aux provinces détachées des états pontificaux va passer à l’Italie en même temps que cessera l’occupation française. Si, malgré ce soulagement, les revenus de.l’église étaient insuffisans, ni l’Italie ni les états catholiques n’hésiteraient à prendre des mesures pour mettre le pape à l’abri d’une pénible détresse.