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conseil des douanes sous les ordres de l’amirauté. Aujourd’hui, pour être admis dans leurs rangs, un homme doit avoir servi sept années au moins sur un vaisseau de guerre et s’y être distingué par sa bonne conduite. Tout candidat âgé de plus de trente-cinq ans ne saurait être recommandé par les autorités navales aux lords commissioners'. A première vue, l’air et l’uniforme des gardes-côtes ne les distinguent guère des autres matelots appartenant à la marine de l’état. C’est toujours le même visage aux traits fortement accusés, et sur lequel semble s’être sculptée par l’habitude du danger une sorte d’insouciance stoïque. Avec quel air de défi ils bravent le courroux des élémens bouleversés! comme ils regardent en face un ennemi! Seulement les marins des vaisseaux de guerre portent un grand collet de chemise bleue bordé d’une raie blanche, et qui, largement rabattu sur les épaules, dégage à nu un cou nerveux bronzé par le soleil ou par la brise. Les agens de la force préventive, quand ils sont de service, se montrent au contraire revêtus d’une veste flottante, d’une chemise de laine et d’une mince cravate de soie noire, tandis que sur une large bande enroulée autour de leur chapeau se lit ce mot écrit en lettres d’or : coast-guard. A une ceinture de cuir qui leur serre les reins est attaché un coutelas, et sur la poitrine, dans une sorte de poche en grosse toile, ils fourrent une paire de pistolets. Ces armes, aujourd’hui presque inutiles, rappellent bien du moins un temps de luttes et d’aventures où les mêmes hommes avaient souvent à défendre chèrement leur vie contre les loups de mer. Sur leur uniforme quelques-uns d’entre eux portent deux sortes d’insignes : des chevrons, badges, qui s’accordent à l’ancienneté et des bandes conduct stripes, qui s’obtiennent par la bonne conduite. Ils ne peuvent obtenir que trois des uns et des autres : s’il s’agit des bandes brodées or et soie qu’ils étalent fièrement sur le bras, la première veut dire « bonne conduite, » la seconde « très bonne, » et la troisième « excellente. » Outre l’honneur, chacune de ces marques de distinction a le mérite d’ajouter un denier par jour à la maigre paie du garde-côtes.

Durant le jour, ils n’ont guère qu’à se promener, un vieux télescope à la main, le long d’une partie du rivage, et à poursuivre ainsi du regard tous les navires ou tous les bateaux qui passent en mer; mais combien leur service est plus pénible pendant la nuit! Obligés de se rendre tous les matins à la maison de garde, watch-house[1], ils apprennent là ce qu’ils auront à faire après le coucher

  1. C’est une grande maison blanche placée d’ordinaire près de l’enceinte des cottages occupés par les coast-guards, et où l’on dépose les armes dans une armoire vitrée. Tous mettent une sorte de point d’honneur à entretenir ce lieu de rendez-vous avec une propreté extraordinaire.