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rait rien innover dans les affaires ecclésiastiques de l’Italie sans s’être concerté avec le saint-siège. Cette rédaction si claire ne garantit point le pape des atteintes qu’il redoutait. « A l’instar de ce qui s’était passé en France, on vit apparaître avec le concordat d’abord les décrets du président Melzi, et ensuite, sur les réclamations du saint-père, les ordonnances du ministre des cultes et les décrets du premier consul lui-même révoquant en apparence les arrêtés de Melzi, mais les maintenant en réalité[1]. »

Il ne faudrait point s’imaginer cependant que le chef du gouvernement français n’ait eu systématiquement que de mauvais procédés envers le saint-siège depuis la publication du concordat. Dans toutes les choses qui n’intéressaient pas directement sa puissance et qui n’étaient point contraires aux idées qu’il voulait faire prévaloir, il avait semblé enclin à se rendre agréable à la cour de Rome, et plus d’une fois il avait déployé dans ses rapports avec Pie VII une certaine recherche d’amabilité et de bonne grâce. C’est ainsi qu’il lui avait rendu, sans aucune sollicitation préalable, la petite ville de Pesaro et plus tard Ancône. Il avait insisté vivement auprès de la cour de Naples pour qu’elle lui restituât Benavente et Ponte-Corvo. Il avait mis beaucoup d’empressement à s’entendre avec le saint-père pour la nomination du futur grand-maître de l’ordre de Malte. Il s’agissait de faire abandonner cette île par les Anglais, et la coopération officielle du saint-siège secondait merveilleusement sa politique en rendant plus incommode la situation du cabinet britannique, qui répugnait beaucoup à cette évacuation. C’est pourquoi l’on peut presque dire que dans cette affaire du rétablissement d’un vieil ordre semi-monastique semi-militaire, qui ne correspondait plus guère aux circonstances modernes, l’ardeur du premier consul de la république française dépassait de beaucoup la traditionnelle longanimité du Vatican. Un jour, avec une générosité pleine de bon goût et d’à-propos, il avait envoyé à Civita-Vecchia, pour en faire cadeau au pape, deux bricks de guerre mis à neuf, et dont il lui faisait hommage pour qu’il pût défendre les rivages de ses états contre les invasions des Barbaresques. La restitution, même partielle, des territoires qu’on avait autrefois enlevés au saint-siège, l’appui que le premier consul lui prêtait dans ses réclamations près la cour des Deux-Siciles, sa bonne volonté pour les chevaliers de Malte, les attentions personnelles dont il était l’objet, touchaient sincèrement le saint-père. Ses lettres, si nous pouvions les citer en entier, montreraient à quel point il était disposé à tout prendre en bonne part et combien il

  1. Mémoires de Consalvi, t. II, p. 381.