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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/599

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désirer pour une banque d’émission? Voilà la question que nous voulons examiner en principe.

Jusqu’en 1844, toutes les crises qui avaient eu lieu en Angleterre depuis le commencement du siècle et même auparavant semblaient avoir eu pour cause un abus de la circulation fiduciaire. De 1800 à 1813 et 1814, pendant la période de la suspension des paiemens, le nombre des banques s’était considérablement accru, et comme le droit d’émission était libre, beaucoup de ces banques en avaient abusé : on en avait vu offrir des primes pour le placement de leurs billets; la Banque d’Angleterre elle-même, ayant à pourvoir aux énormes subsides qu’on payait sur le continent, avait été obligée d’augmenter sa propre circulation. Il en résulta pour tout ce papier une dépréciation qui s’éleva jusqu’à 25 0/0. — La crise qui eut lieu en fit disparaître une grande partie, ce qui aida singulièrement à la reprise des paiemens en 1819; mais après cette reprise les abus de la circulation fiduciaire, qu’on n’avait rien fait pour empêcher, recommencèrent et prirent une certaine gravité en 1825 et en 1826. Les banques locales augmentèrent leur émission pour favoriser les spéculations de toute nature qui avaient lieu à cette époque. La Banque d’Angleterre agit de même, obéissant à l’entraînement général, et n’ayant pas d’ailleurs à cette époque des idées très nettes sur les moyens de prévenir les embarras financiers. Au mois de février 1826, elle se trouvait avec un encaisse de 2 millions 1/2 de liv. sterl. pour répondre de 25 millions 1/2 de liv. sterl. de billets au porteur. La situation était des plus graves, et il s’ensuivit une crise qui amena, comme en 1815 et 1816, des désastres épouvantables.

La leçon profita un peu, on s’en servit pour supprimer les billets de 1 livre sterling, que toutes les banques avaient le droit d’émettre et qui avaient fort contribué à la disparition du numéraire; on augmenta le nombre des associés qui pourraient fonder une banque d’émission : — ce nombre avait été, en vertu d’une loi de 1708, limité à 6; on crut, en l’augmentant, trouver plus de garanties; — enfin on réserva à la Banque d’Angleterre seule le droit d’émission dans un rayon de 65 milles de Londres. Ces précautions ne suffirent pas : après quelques années de prudence et de sagesse, les nouvelles banques fondées en vertu de la loi de 1825 et qui prirent le nom de joint-stock-banks se mirent à leur tour à étendre leur circulation sans se préoccuper du change, qui devint bientôt défavorable à l’Angleterre. Au contraire, à mesure que l’argent s’en allait et qu’un vide se produisait dans la circulation, les joint-stock-banks s’empressaient de le remplir par l’émission de nouveaux billets, et quand la Banque d’Angleterre, revenue à de meilleurs principes, faisait des efforts pour restreindre sa propre circulation et arrêter