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mois de juin on avait acheté 385,000 têtes de bétail contre 225,000 en 1865. Je ne parle pas de l’importation de quelques autres denrées tenant plus ou moins à l’alimentation, tels que le vin, les œufs, le beurre, et pour lesquelles les crédits aussi ne sont pas longs. Je m’en tiens à ces trois principaux articles, et je trouve que de ce chef l’Angleterre a eu à payer pour les six premiers mois de l’année 30 millions de livres sterling ou 750 millions de francs de plus qu’en 1865. — C’est ce qui explique comment elle s’est trouvée débitrice de tous les pays et particulièrement du nôtre, et pourquoi elle a eu si longtemps le change contre elle. Sans doute cela n’aurait pas suffi pour occasionner une crise comme celle que nous avons vue, surtout après la liquidation de l’année précédente, qui avait ramené beaucoup de capitaux disponibles; mais cet embarras, venant s’ajouter aux abus de toute nature commis par les sociétés de finance, a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

On a vanté avec raison l’usage des dépôts en comptes courans, comme un moyen de crédit perfectionné, pour utiliser toutes les épargnes et ne laisser aucun capital improductif; mais comme rien n’est parfait en ce monde et que dans les choses les meilleures il y a toujours un côté fâcheux, le crédit qui résulte des dépôts a beau reposer sur un fond solide, c’est-à-dire sur une épargne réalisée, il peut donner lieu cependant à de graves embarras. — Le banquier qui reçoit l’épargne l’emploie tout naturellement à une échéance plus ou moins longue pour se rémunérer de l’intérêt qu’il lui alloue, et en même temps il s’engage à la rembourser à vue ou à peu près. Il y a contradiction dans les deux termes. On ne peut pas rendre immédiatement ce qui est placé à échéance. On se tire de cette situation au moyen d’une réserve destinée à faire face aux premiers remboursemens, en attendant soit de nouveaux dépôts pour remplacer ceux qu’on retire, soit la réalisation successive du portefeuille lorsque les fonds ont été bien placés à court terme et en valeurs parfaitement réalisables.

Cependant cette façon d’agir, toute rationnelle qu’elle soit, n’est pas exempte de péril, car du moment qu’il n’y a pas un équilibre parfait entre les ressources disponibles et les engagemens, s’il arrive des jours néfastes où pour une raison quelconque le crédit d’une maison est mis en suspicion, et si ces jours-là tous les créanciers veulent exercer leurs droits à la fois, il y a obligation pour la maison la plus solide de suspendre momentanément ses paiemens. Le crédit sur dépôts est donc quelque chose d’assez délicat qu’on aurait tort d’exagérer et de pousser à l’extrême, et quand on l’oppose trop à la circulation fiduciaire et qu’on voudrait voir celle-ci remplacée exclusivement par des chèques, on ne réfléchit pas