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dance provenait d’abord de ce que la liquidation amenée par la hausse de l’escompte à la fin de 1864 avait été très efficace, et ensuite de ce que nous n’avions rien fait depuis qui pût engager outre mesure nos ressources disponibles.

Quand on veut juger de l’efficacité de l’élévation du taux de l’escompte pour liquider une situation embarrassée, on n’a qu’à se figurer l’ensemble des opérations sur lesquelles elle porte. Supposons que cet ensemble d’opérations reposant sur le crédit soit, dans les momens où la situation est tendue, de 8 à 10 milliards, et ce chiffre n’a rien d’exagéré, si l’élévation du taux de l’escompte parvient à en arrêter pour 2 ou 3 milliards, et que ces 2 ou 3 milliards représentent l’excédant de nos engagemens sur nos ressources, immédiatement l’équilibre se trouve rétabli; le capital, rare hier devient tout de suite abondant. C’est ce qui est arrivé chez nous à la fin de 1864, et le capital est resté abondant depuis, parce que, je le répète, nous avons été fort prudens, que nous nous sommes abstenus autant que possible, jusqu’à ce jour, de toute entreprise nouvelle devant absorber beaucoup de capitaux, et qu’en 1865 notre commerce est resté à peu près stationnaire. Il y avait d’autant moins lieu de nous préoccuper cette année d’une différence dans le taux de l’intérêt avec l’Angleterre que celle-ci était particulièrement notre débitrice. C’est nous qui lui vendions une grande partie des denrées dont elle avait besoin, telles que céréales et bestiaux. Et non-seulement elle était notre débitrice pour ce qu’elle nous achetait directement, mais elle l’était encore pour ce qu’elle avait à payer au dehors sur les autres marchés, attendu que tout le papier qu’on avait le droit de tirer sur elle venait se négocier à Paris, comme sur le marché le plus important après celui de Londres.

Ce qui avait contribué encore cette année à rendre notre situation très aisée, c’était la bonne réputation de notre crédit et la confiance toute particulière qu’on a dans notre principal établissement financier. Au moment de la crise en Angleterre, et pendant qu’en Allemagne on se préparait à la guerre, la Banque de France est devenue tout à coup dépositaire de toutes les ressources disponibles non-seulement de la France, mais d’une partie de l’Europe; elle voyait affluer à elle les pierres précieuses, la vaisselle d’or et d’argent, les espèces métalliques. Le bilan de chaque semaine annonçait une augmentation dans les dépôts particuliers. Le chiffre de ces dépôts, qui était de 180 millions au mois de janvier dernier, était arrivé à 306 millions au 17 mai, et à plus de 400 millions un peu plus tard en y comprenant les dépôts de l’état. C’est là ce qui grossissait l’encaisse et lui donnait des proportions qu’il n’avait