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jamais eues. Sans doute, sous l’influence de l’élévation du taux de l’escompte en Angleterre, beaucoup de capitaux qui seraient restés s’en allaient chez nos voisins; mais nous étions trop heureux qu’il en fût ainsi, puisque ces capitaux n’avaient pas d’emploi en France, et qu’ils en trouvaient un très lucratif en Angleterre. Tant que le change ne se manifestait pas contre nous, que la livre sterling continuait à valoir 25 francs 8 ou 10 centimes, nous avions la preuve que rien ne souffrait chez nous, que nous avions plus de capitaux qu’il ne nous en fallait. L’état croissant de l’encaisse à la Banque de France était là d’ailleurs pour l’attester chaque semaine.

Aujourd’hui la situation tend à se modifier, le change est à 25, 20 et 25; cela prouve que les Anglais ne nous envoient plus d’argent, que nous leur en envoyons plutôt. Il n’y a pas à s’en préoccuper encore, parce que nous avons toujours à la Banque de France un encaisse considérable qui peut diminuer sans péril, et que d’ailleurs la différence du taux de l’intérêt dans les deux pays n’est plus assez forte pour motiver une grande exportation de numéraire. Pourtant il ne faudrait pas trop s’endormir. Par suite de l’insuffisance de notre dernière récolte en céréales et du haut prix du blé, nous allons être appelés probablement à exporter une certaine quantité de numéraire. L’Angleterre va se trouver dans le même cas, et si nous laissions subsister une grande différence dans le taux de l’intérêt, nous ne tarderions pas à en subir le contre-coup, et à voir baisser sensiblement nos ressources disponibles. Une différence de 5 à 6 pour 100 a été possible entre l’Angleterre et nous tant que l’état du change nous était favorable, que l’Angleterre avait plus à payer en France qu’elle ne pouvait entraîner de capitaux au dehors par l’effet de la hausse de l’intérêt, et que d’ailleurs nos ressources étaient considérables ; mais elle ne le serait plus aujourd’hui que l’équilibre est rétabli chez nos voisins, que le change nous est plutôt défavorable, et que nous pouvons avoir très prochainement besoin de nos ressources pour des acquisitions de première nécessité.


IV.

En résumé, on peut conclure des faits qui se sont passés cette année, en ce qui concerne l’act de 1844, que cet act a été impuissant encore à prévenir la crise du mois de mai dernier, et que lorsqu’elle est arrivée, il n’a pas pu davantage en atténuer les effets. Tout au contraire, dès qu’on a vu s’épuiser cette fameuse réserve, qui est comme la dernière ancre de salut dans les momens difficiles, la crise est devenue immédiatement une panique, et il a fallu avi-