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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/649

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Peut-être est-il vrai, ainsi que l’ont affirmé certains érudits, que les peuples de l’antiquité furent en relation de commerce avec les contrées les plus méridionales de l’Asie, quoiqu’il soit bien difficile de discerner au juste de quels pays les anciens historiens ont voulu parler, la science de la navigation étant alors si imparfaite que les marins ignoraient toujours la véritable situation des terres qu’ils visitaient dans leurs courses aventureuses. Les voyageurs modernes ont prétendu reconnaître dans les récits d’Hérodote, lorsqu’il parle des contrées orientales où l’on recueillait de son temps l’or et l’ivoire, des tableaux de mœurs qui coïncideraient avec les coutumes actuelles des indigènes de la Malaisie, par exemple l’habitude cruelle de mettre à mort les vieillards dès qu’ils ne peuvent plus travailler et sont à charge à leur famille. On a même cru distinguer, à travers les variations infinies des vocabulaires asiatiques, quelque ressemblance phonétique entre les noms des peuples cités par cet historien et ceux des tribus autochthones de la presqu’île de Malacca. Il semble au reste incontestable que les Hébreux et les Tyriens, deux peuples de grands navigateurs, avaient fait des découvertes géographiques dont le souvenir se perdit pendant les siècles suivans, ainsi qu’il advint du périple de l’Afrique australe que les Phéniciens accomplirent à la plus belle époque de leurs expéditions maritimes, vingt siècles avant que Vasco de Gama ne s’illustrât en doublant le Cap de Bonne-Espérance. Les traditions populaires que conservent les habitans de la péninsule malaise ne remontent pas si loin, et sont d’autant moins précises qu’elles ne s’appuient sur aucun monument ni sur aucune écriture. Au milieu du XIIe siècle, paraît-il, des conquérans malais venus de Sumatra envahirent l’île de Singapore, dont ils expulsèrent par force les aborigènes. Comme tous les peuples sauvages, ceux-ci n’avaient sans doute aucune cohésion. Incapables de résister à l’invasion étrangère, ils furent refoulés vers l’intérieur des terres, et se dispersèrent en plusieurs petites tribus qui vivent encore à l’écart au milieu des forêts. Les Malais se virent eux-mêmes, cent ans plus tard, expulsés de Singapore par des Javanais qui s’établirent dans cette île d’une façon définitive, tandis que les premiers se répandaient dans la presqu’île et y fondaient divers états indépendans, dont le plus considérable avait pour capitale Malacca. Ge fut aussi vers cette époque qu’ils furent assaillis et convertis à l’islamisme par des conquérans arabes. Nulle part la doctrine de Mahomet ne devait s’implanter plus facilement, car il y a plus d’une analogie entre le caractère malais et le caractère arabe. Dans l’une et l’autre de ces races, l’homme est aventureux, taciturne et réservé, enclin cependant à se vanter des bonnes