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comme des mauvaises actions ; le visage du Malais a même quelque chose de sémitique. Néanmoins les habitans de la péninsule n’acceptèrent jamais le mahométisme en son entier. Leur culte a conservé avec les prescriptions du Coran une foule de superstitions locales qui semblent être un reste de leurs croyances primitives. Depuis que les voyages sont devenus faciles, beaucoup d’entre eux font le pèlerinage de la Mecque. Leur foi religieuse s’y épure peut-être, mais l’influence européenne est souvent contrecarrée par les préventions qu’ils empruntent à leurs coreligionnaires occidentaux.

Les Malais se multiplièrent à tel point dans la péninsule, et le royaume de Malacca devint si prospère que son autorité était reconnue au commencement du XVIe siècle sur toute l’étendue de la presqu’île et même dans les provinces voisines de l’île de Sumatra. C’est en effet un peuple adroit, actif et entreprenant. En 1511, les Portugais s’emparèrent de leur capitale Malacca et s’y établirent. Après de longues et stériles luttes contre ces nouveaux envahisseurs, qu’ils n’eurent pas la force d’expulser, les Malais retournèrent vers le sud et créèrent le royaume de Johore, qui subsiste encore, bien déchu, il est vrai, de la splendeur passée que les souvenirs des indigènes lui attribuent. Ce n’est plus qu’une province presque dépeuplée dont le sultan réside à Singapore et reçoit une pension du gouvernement anglais. Les Portugais ne jouirent pas longtemps de leur conquête; en 1642, ils furent supplantés par les Hollandais. Ceux-ci furent expulsés à leur tour par les Anglais en 1795, revinrent en 1818, et cédèrent définitivement la place en 1824, en vertu de l’important traité qui régla la position respective de la Hollande et de l’Angleterre dans les mers de l’Indo-Chine. Le résultat de cet accord fut, on le sait, que les Hollandais reprirent toutes les colonies situées au sud de Singapore, tandis que les Anglais devaient se tenir exclusivement au nord de cette même île.

Les diverses nations qui se succédèrent à Malacca pendant trois siècles méconnurent toutes, jusqu’à une époque très récente, l’importance que l’île de Singapore devait acquérir grâce à sa situation géographique et à l’excellence de son havre. Ce n’est qu’en 1819 que les Anglais vinrent s’en emparer. La compagnie des Indes possédait alors dans l’archipel asiatique le fort de Bencoolen, au sud-ouest de Sumatra, station productive entre les mains de la compagnie, qui y maintenait avec sévérité le monopole du commerce du poivre, mais d’une utilité médiocre pour le développement naval et commercial de l’Angleterre. Cette petite colonie était administrée par sir Stamford Rafles, qui par un long séjour à Java, dont il fut gouverneur tant que cette île fut soumise à la domination anglaise, s’était pénétré d’idées larges et justes sur l’im-