Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/736

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

siège dans toute sorte de connivences avec les bandes napolitaines; M. de Mérode a été congédié, et la main du gouvernement pontifical a été retirée de toutes ces complicités avec le brigandage de Naples.

Et l’Italie elle-même, cette Italie toujours suspecte, que fait-elle de son côté? Pendant quelques années, elle s’est laissé entraîner à une guerre d’impatience et de représailles contre des prêtres, contre des évêques dont elle rencontrait partout l’irritante hostilité; aujourd’hui elle rouvre toutes les portes de leurs diocèses à ces évêques, dont quelques-uns d’ailleurs étaient absens par leur propre volonté : elle exécute ainsi librement, spontanément une des clauses des dernières négociations avec Rome. Lorsque la convention du 15 septembre était signée, il y a deux ans, les zélateurs à outrance du pouvoir temporel s’emportaient contre cet acte dont ils démontraient l’inefficacité; ils s’ingéniaient à prouver que rien n’était plus facile pour l’Italie que de passer à travers les mailles de cette convention, et même M. l’évêque d’Orléans fournissait au gouvernement italien quelques bons argumens pour se délier, — et cependant en ce moment le cabinet italien, M. Ricasoli en tête, se montre naturellement, résolument prêt à remplir ses obligations, à laisser s’accomplir cette grande expérience. Non-seulement il prend les précautions les plus énergiques, les plus minutieuses pour protéger la frontière, il s’applique en outre à décourager par son influence, par ses conseils, toute manifestation à Rome. Il y a peu de temps encore, le président du cabinet de Florence le disait, et non plus cette fois dans une circulaire destinée au retentissement : « Moins on parlera de Rome, mieux cela sera. Le gouvernement est bien décidé à faire respecter la convention, il n’a point d’autre pensée que de poursuivre une action indirecte et toute bienfaisante. » Et si on ne croit pas à la loyauté du gouvernement, italien, qu’on croie du moins à sa perspicacité : il doit être sincère, puisque c’est son intérêt de l’être, de n’accepter que le temps et la force naturelle des choses pour complices. Quant à la France et à sa politique, on n’en est plus évidemment à croire que le spectacle de Rome laissée à elle-même, de la papauté laissée en face de l’Italie, puisse remuer profondément l’opinion. L’opinion, en France et même ailleurs, est plus attentive que passionnée, plus curieuse qu’agitée devant cette expérience nouvelle, où elle ne voit plus qu’une chose à sauver, l’indépendance et la liberté de la puissance spirituelle.

Que prouve cela? C’est que, si les événemens se sont déroulés depuis six ans avec une singulière inflexibilité de logique, ils n’ont pas seuls marché; les idées, les impressions, les tendances se sont aussi modifiées graduellement, sensiblement. Il s’est fait un tra-