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vail moral correspondant à cette transformation politique qui faisait de l’Italie une nation et de la papauté temporelle un pouvoir réduit à se combiner avec ce légitime avènement d’un peuple ou à s’effacer. Les esprits se sont accoutumés à ces perspectives nouvelles qui avaient commencé par les troubler ou les irriter, et qui ont fini par leur paraître inévitables; de telle sorte que si cette suprême question des rapports de l’Italie et de la papauté, de la combinaison d’un nouvel ordre de choses au-delà des Alpes avec les nécessités religieuses du pontificat catholique, si cette question n’a point cessé d’être aussi grave que délicate, elle s’est trouvée moralement ramenée à des termes moins extrêmes et moins violens. L’orgueil des principes absolus mis en face de la réalité s’est senti ébranlé, et tandis que les esprits à outrance continuaient à s’exalter, à faire retentir tous ces mots d’ordre de guerre civile : Rome ou la mort! l’intégrité du pouvoir temporel ou point de trêve ! le problème faisait son chemin à Florence aussi bien qu’à Rome, et partout où on réfléchit sur la marche des affaires humaines. C’est ainsi que de tous côtés, on est arrivé à cette crise de l’exécution des clauses du 15 septembre 1864 avec des idées, dans des dispositions que je voudrais préciser et rendre plus sensibles, parce qu’elles éclairent peut-être et caractérisent cette phase nouvelle où nous entrons, parce qu’elles sont un des élémens d’une situation qui ne peut avoir en définitive qu’une de ces deux issues : ou le pape laissé seul, sans protection étrangère, s’entendra avec l’Italie et restera à Rome dans l’inviolabilité souveraine d’une puissance religieuse entourée de garanties nouvelles, — ou l’Italie, bannière déployée, entrera à Rome par une porte tandis que la papauté s’enfuira par une autre porte. J’omets à dessein l’idée d’une indépendance particulière de Rome, d’une autonomie romaine, qui n’a pas plus de chances désormais que cette autre idée d’une autonomie vénitienne qu’on faisait miroiter encore à la veille de la récente annexion de Venise. Or il s’agit justement de savoir si dans l’état présent, par leurs dispositions avouées ou secrètes, par leurs intérêts, par la nécessité de leur situation, Rome, l’Italie, le monde catholique sont plus près de la rupture que de la conciliation.

C’est le danger de ces terribles questions d’être souvent à la merci de l’imprévu. Ce qui peut sortir de l’imprévu, ce qui peut naître d’une excitation soudaine et irréfléchie, je ne le sais; ce qui est certain pour le moment, c’est que la radicale hostilité de principes et d’aspirations qui existe entre Florence et Rome est balancée par tout un ensemble de choses qui, sans conduire nécessairement à une solution, peuvent en devenir les élémens. Souvenez-vous que vous êtes en Italie, c’est-à-dire dans le pays où le sens pratique s’allie le mieux à la hardiesse des idées, où les hommes, par un