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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/772

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l’empereur avait pris cette résolution ; on assure que Maximilien avait prévenu par un télégramme un officier de sa maison à Miramar, et lui avait même donné rendez-vous à Gibraltar pour les premiers jours de décembre. Cependant une dépêche reçue à New-York annonce que l’empereur Maximilien serait revenu à Mexico. Il est donc impossible pour le moment de déterminer le sens exact de ces allées et venues. En somme, l’intérêt français serait que Maximilien s’en tînt à sa première résolution et revînt en Europe. La prolongation de son séjour au Mexique retarderait notre mouvement de retraite, renouvellerait des solidarités que nous devons rompre au plus tôt, et deviendrait peut-être une cause de frottemens désagréables entre nous et les Américains.

Il y a un an que nous aurions dû abandonner l’entreprise mexicaine ; il fallait songer au retour dès qu’il fut visible que la guerre civile des États-Unis se terminerait par le triomphe de l’Union ; il fallait détourner tout prétexte de contestation avec le gouvernement de Washington, et nous épargner l’ennui des récriminations et des remontrances américaines. Nous exprimions ici ce sentiment dès la fin de la guerre civile, et, sachant que la prévoyance est souvent la meilleure sauvegarde de la dignité des peuples, nous aurions voulu que par une résolution rapide la France échappât au désagrément de la pression du gouvernement fédéral. Les intérêts de notre dignité ont été compris autrement, et nous ne saurions trop le déplorer. Nous ignorons quel peut être l’objet précis de la mission que vont maintenant remplir M. Campbell et le général Sherman. Il est probable que le plan du président Johnson est simplement de prendre une attitude dans le message qu’il va adresser au congrès et d’essayer de compenser par la popularité de sa politique étrangère la défaveur que sa politique intérieure a rencontrée dans le pays. On voit quelques journaux américains se plaindre, sans doute sous l’inspiration du gouvernement, que la France n’ait pas, comme elle l’avait annoncé, commencé dès le mois de novembre l’évacuation du Mexique. Sur ce point, les récriminations américaines manquent de justice. Notre départ en novembre ne pouvait être considéré comme la condition d’un engagement contracté par nous envers le cabinet de Washington. La France s’était d’abord proposé de rappeler ses troupes par détachemens successifs ; mais pendant le cours de cette année les choses ont pris au Mexique une tournure telle que l’évacuation progressive fût devenue périlleuse. Les dissidens faisaient des mouvemens, étendaient et multipliaient leurs attaques avec une énergie qu’on n’avait point prévue. Nous pouvions appréhender, si notre armée était réduite à une fraction, un danger sérieux pour la sécurité de nos derniers soldats, et quelque insulte à notre drapeau qui nous eût obligés à recommencer la guerre et à envoyer une expédition nouvelle. C’est pour éviter ce péril, c’est pour assurer la certitude de la conclusion finale de notre action militaire au Mexique qu’on a renoncé à l’idée du rappel des troupes par détachement dont l’exécution aurait dû commencer dans le mois de no-