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sent par bourgeonnement. Ce parasite est d’ailleurs inoffensif ; il forme souvent à la surface du vin en tonneau une couche blanche épaisse sous laquelle le liquide conserve toute sa limpidité. C’est ce que les anciens agronomes n’ignoraient point. « La fleur du vin blanche, dit Pline, est de bon augure. » L’aspect velouté, d’un blanc un peu sec, de ce mycoderme encore pur et jeune change beaucoup lorsqu’il se trouve associé à la fleur du vinaigre, qui le dévore, le fane et finalement le remplace quand le vin s’aigrit.

Ayant étudié isolément les différentes espèces de mycodermes, M. Pasteur a reconnu que la fleur du vin, aussi bien que la fleur du vinaigre, attire l’oxygène de l’air sur les matières organiques, de manière à en provoquer la combustion lente et progressive ; mais l’action de la fleur du vin est plus énergique, elle détermine toujours une combustion complète, dont le résultat est un dégagement d’acide carbonique qui s’échappe en bouillonnant. La fleur du vinaigre ne donne ce résultat que lorsqu’elle se développe aux dépens de l’acide acétique, qui est déjà un corps à moitié brûlé ; lorsqu’elle agit sur l’alcool même, elle ne fait que le transformer en acide acétique : on dirait une combustion avortée. En cultivant la fleur du vin au contact de l’air sur divers liquides alcooliques, M. Pasteur a pu se convaincre qu’elle n’y déterminait pas la formation de l’acide acétique : bien plus, quand on introduisait directement une certaine dose de cet acide, il disparaissait en même temps que l’alcool. Au contraire la fleur du vinaigre ne manque jamais d’acétifier l’alcool ; mais, si l’on supprime l’alcool et qu’on n’offre à la fleur du vinaigre pour aliment que de l’acide acétique tout formé, elle le détruit en le brûlant. C’est ainsi que s’explique l’observation de Berzélius, et que l’intelligence des phénomènes devient d’une simplicité surprenante.

Le premier résultat de ces études fut un procédé nouveau pour la fabrication du vinaigre. Pour faire du vinaigre, M. Pasteur conseille tout simplement de semer le mycoderma aceti à la surface d’un liquide composé d’eau et d’une faible proportion d’alcool et d’acide acétique déjà formé. A mesure que la fleur se développe et que l’alcool s’acétifie, on ajoute de l’alcool frais, du vin ou de la bière, jusqu’à ce qu’on ait obtenu le titre voulu et que le vinaigre soit propre à la consommation. C’est là l’acétification réduite à sa plus simple expression ; les anciens procédés ne font que masquer le jeu naturel de la fabrique vivante de vinaigre qui s’établit à la surface du liquide à l’insu de l’opérateur.

Il était naturel de retourner le problème : si le vinaigre se produit par l’intervention des mycodermes, ne pourra-t-on pas en empêcher la formation en détruisant les parasites ? C’est en effet ce qui a été observé. On prévient l’acidification du vin en le préservant de l’invasion des fleurs du vinaigre. Ce résultat une fois constaté, M. Pasteur se mit à étudier les autres maladies du vin, — la pousse, la graisse et l’amertume, — et il ne tarda pas à découvrir qu’elles sont toujours causées par la présence de parasites parti-