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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/785

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au bain-marie ; pour les manier plus facilement, on peut les enfermer dans un panier en fer. On introduit dans le même bain une bouteille pleine d’eau dans laquelle plonge un thermomètre ; quand il marque le degré voulu, par exemple 60°, on retire les bouteilles. Avant d’introduire une nouvelle fournée, on coupe, le bain avec de l’eau froide afin d’éviter l’action trop brusque de la chaleur, ou mieux encore, pour ne pas perdre de temps, on a soin de chauffer préalablement les bouteilles du second panier. De cette façon il n’est pas à craindre qu’elles se brisent par l’effet de la dilatation du liquide ; le vin, en s’échauffant, ne fait que chasser le bouchon. On a pu constater cet effet au concours agricole de Paris en 1860, où la température du Palais de l’Industrie s’éleva un dimanche jusqu’à 40 degrés centigrades ; les bouchons des vins exposés étaient à demi sortis des bouteilles. C’est la même chose qui arrive lorsqu’on applique au vin le procédé de chauffage de M. Pasteur, mais il n’y a aucun inconvénient à cela : la ficelle ou le fil de fer qui entoure le bouchon le retient, et le vin suinte entre le bouchon et la paroi intérieure du goulot. Quand on laisse ensuite refroidir les bouteilles, le liquide se contracte, et il en résulte un vide que l’on comble en renfonçant le bouchon. Il ne reste plus alors qu’à ôter la ficelle et à mettre le vin en cave. On peut le placer dans un cellier, au rez-de-chaussée ou au premier étage, à l’ombre, au soleil, comme on veut ; cela n’a aucune importance pour la conservation du vin, car les germes des parasites sont morts, et le vin est désormais à l’abri des maladies ordinaires. La manière dont les bouteilles sont placées n’a d’influence que sur la couleur et le mode de vieillissement du vin, ce dont il sera question plus loin. Pour appliquer ce procédé en grand, il y aurait lieu d’employer une grande cuve à étages de planches percées de trous ; l’eau de cette cuve serait chauffée par un jet de vapeur. Rien ne s’oppose d’ailleurs à ce qu’on fasse usage d’une étuve à air chaud ou à vapeur. Dans le midi, on pourrait même sans inconvénient charger le soleil de cette fonction, en plaçant les bouteilles dans une serre à double vitrage. L’effet des rayons solaires dans ces sortes d’appareils est si énergique qu’il peut produire des températures supérieures à 100 degrés ; sir John Herschel, au Cap de Bonne-Espérance, a préparé un pot-au-feu dans une caisse noire fermée par plusieurs vitres superposées sur laquelle le soleil dardait ses plus chauds rayons.

Le chauffage du vin en fût est également praticable ; on porte le tonneau dans un bain-marie à 80 degrés, et on l’y laisse pendant environ six heures, temps nécessaire pour que toute la masse du vin prenne une température de 60 degrés. M. Pasteur a abandonné, du mois d’avril au mois de décembre, en plein air, sur une terrasse exposée au nord, des tonneaux de vin rouge et de vin blanc qui avaient subi cette préparation ; aucun de ces vins n’est devenu malade. On peut même mettre en bouteilles le vin qui a été chauffé en fût sans procéder à une nouvelle application de la chaleur, mais il faut alors coucher les bouteilles ; si on les laisse debout, elles prennent des fleurs,