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car le vin reçoit toujours quelques germes pendant le transvasement, qui le met en contact avec l’air. Sur ce point, de nouvelles expériences seront nécessaires ; elles montreront jusqu’à quel point le chauffage en fût pourra remplacer le chauffage en bouteilles.

Sous cette dernière forme, le procédé de M. Pasteur paraît donner de bons résultats. Au mois de novembre 1865, plusieurs membres de la commission qui représente le commerce des vins dans Paris ont procédé à la dégustation de vingt et une sortes de vins qui étaient conservés dans une cave de l’École normale après avoir subi l’application de la chaleur. M. Pasteur avait placé à côté des bouteilles chauffées d’autres bouteilles des mêmes vins qui n’avaient subi aucune préparation. En parcourant le rapport de cette commission, on est loin de constater toujours une supériorité décisive du vin chauffé. Néanmoins l’impression générale est que le chauffage maintient le vin limpide, et qu’il en empêche l’altération maladive. Les vins communs, provenant de mélanges, prennent quelquefois un faible goût de cuit ; mais ce n’est qu’une nuance de goût à peine perceptible. En résumé, la commission approuva le procédé, tout en ayant soin de ne rien préjuger de l’influence que le temps pourrait exercer sur les qualités relatives des vins qui ont été comparés. Ce jugement très réservé contraste un peu avec celui contenu dans le rapport que M. Dumas a lu, au nom du comité central agricole de Sologne, pour justifier la médaille d’or que ce comité a décernée à M. Pasteur au mois de mai dernier. M. Dumas y parle déjà de récompense nationale ; c’est un peu vendre la peau de l’ours, à notre avis. Toutefois nous sommes loin de contester en rien le mérite des recherches de M. Pasteur, il est même probable que le procédé qu’il a inauguré conduira au but désiré ; mais c’est au temps et à l’expérience de décider sur ce point. En attendant, on a commencé à faire l’essai du nouveau procédé. Un agriculteur éminent du midi, M. Mares, correspondant de l’Institut, l’a appliqué aux vins très altérables de l’Hérault, qui ne se conservent d’ordinaire qu’au moyen de fréquentes additions d’alcool ; il a constaté que cette opération devient inutile lorsque les vins ont été portés à 60 degrés. Quelques expériences qui ont été faites en Italie par MM.  Ottavi et Meloni ont également donné de bons résultats. Il paraît donc possible et même probable que l’introduction du nouveau procédé dans les pratiques de la vinification y produise une véritable révolution.

La question est trop complexe néanmoins pour être complètement résolue par la suppression des parasites. À côté de ces fermens organisés qui produisent les maladies des vins, il faut encore considérer les réactions purement chimiques qui peuvent avoir lieu dans la masse du liquide et en modifier la qualité. C’est notamment l’influence de l’oxygène atmosphérique sur les principes oxydables du vin qu’il faudra éclaircir. On sait, depuis van Helmont, que l’air est nécessaire pour déterminer la fermentation ; les germes ne se transforment en cellules de levure que sous l’influence de l’oxygène, à peu près comme une graine a besoin de se saturer d’oxygène libre