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LE
PRÉSIDENT JOHNSON
ET
LE CONGRÈS AMÉRICAIN

Tandis que l’Europe, absorbée dans la contemplation des événemens extraordinaires qui modifiaient si profondément l’influence et l’avenir des peuples, ne prêtait qu’une oreille inattentive à ce qui se passait dans le Nouveau-Monde, l’Amérique traversait une crise plus modeste, mais encore assez périlleuse pour la rendre aussi indifférente aux agrandissemens de la Prusse que nous l’étions devenus nous-mêmes aux difficultés intérieures du gouvernement des États-Unis. La grande révolution sociale inaugurée l’année dernière par l’abolition de l’esclavage, lentement, mais sûrement poursuivie dans la réorganisation progressive des anciens états rebelles, avait failli être interrompue par un de ces accidens auxquels, il faut l’avouer, les républiques sont plus exposées que les gouvernemens absolus. On avait à faire des élections générales pour le renouvellement du congrès, et ces élections avaient lieu dans des circonstances si graves qu’elles ranimaient toutes les inquiétudes et toutes les animosités des grandes élections présidentielles de 1864. La première magistrature de la république était occupée par un homme d’état capricieux, joignant à un patriotisme sincère un caractère ombrageux et despotique qui le rendait impropre à exercer le pouvoir exécutif dans un pays où le chef du gouvernement n’est que le serviteur de l’opinion publique. Infatué d’un mérite ordinaire, le président Johnson croyait pouvoir tailler du grand homme et faire