Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/791

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tés renaissantes et promis de réparer aussi bien que possible les débris de ces fameux droits des états, vaincus avec l’esclavage, dont ils étaient le soutien et le prétexte. Ces conditions indispensables étaient l’abandon absolu de la doctrine sécessioniste, l’adoption de l’amendement constitutionnel abolissant l’esclavage, la répudiation de la dette confédérée, et même la concession de quelques droits judiciaires aux nègres affranchis. En un mot, le président ne demandait aux états du sud que d’avouer franchement leur défaite, en acceptant les lois irrévocables et en sanctionnant les faits accomplis. À ce prix bien modique, il se faisait fort de les rétablir dans l’Union avec tous leurs anciens privilèges, et de faire rentrer immédiatement leurs députés dans le congrès.

Le congrès soutenait une politique tout à fait contraire. Mécontent de la trop grande hâte que le président avait mise à réorganiser les gouvernemens des états du sud, il croyait qu’il y avait un danger grave à n’exiger des rebelles que des concessions générales et incomplètes. Il pensait, non sans raison, qu’après avoir imposé l’abolition de l’esclavage, il ne fallait pas trop se fier à la promesse des vaincus, ni trop s’en remettre à eux de l’exécution des réformes. Il valait mieux y veiller soi-même et ne rendre aux gens du sud leur part légitime dans le gouvernement du pays que le jour où tout danger aurait disparu. Aussi le congrès avait-il résolu de refuser jusqu’à nouvel ordre l’admission des représentans du sud. Une commission mixte nommée par les deux chambres était chargée de faire une enquête sur la situation véritable des anciens états confédérés et de fixer une fois pour toutes le plan de reconstruction du congrès. Rien de mieux jusque-là. Le président avait eu sa politique, le congrès allait avoir la sienne. Les états du sud, ployés déjà sous la main despotique, mais indulgente, du président, allaient avoir à se courber un peu plus bas sous la volonté souveraine des assemblées nationales. Le pouvoir exécutif avait agi à sa manière pendant l’absence des chambres; on pouvait blâmer l’usage qu’il avait fait de son autorité, mais on n’en pouvait contester le légitime exercice. Le pouvoir législatif à son tour rentrait dans l’exercice de son influence naturelle, et venait modifier à sa guise la politique adoptée par le président. Chacun était dans son rôle, et le président n’avait pas le droit de dire que le congrès eût commis la plus petite usurpation.

Après de longues discussions, où du reste la personne de M. Johnson n’avait pas été épargnée, la politique des radicaux s’était résumée en trois mesures principales, votées toutes les trois à une grande majorité : c’était la prolongation indéfinie des pouvoirs du bureau des affranchis, l’amendement constitutionnel modifiant la base de la représentation nationale, enfin le bill pour con-