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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/796

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mais qu’elle s’étendait en général à toutes les exclusions quelconques qui pouvaient limiter encore le droit de suffrage dans plusieurs des États-Unis. Cette combinaison plus large était moins blessante pour l’orgueil des états du sud, et bien qu’elle eût pour résultat principal d’abattre le privilège oligarchique dont les avait investis l’esclavage, elle semblait les englober dans une réforme générale dont ils n’étaient pas seuls à souffrir.

La troisième clause était la plus rigoureuse. Elle s’inspirait, il est vrai, d’une opinion émise autrefois par ce même président Johnson, qui semblait devenu aujourd’hui l’ami et le complice des rebelles. Il avait dit alors dans un accès de fougueuse éloquence que la trahison était un crime, le plus grand des crimes, et qu’elle devait être punie sévèrement. Pourtant ces radicaux, ces jacobins qui rédigeaient le projet d’amendement, ne songeaient point à infliger aux rebelles et aux traîtres les peines afflictives ou pécuniaires dont les avait menacés autrefois le patriotisme farouche du président. Ils se contentaient de refuser le droit de suffrage à tous ceux qui avaient pris une part volontaire à la rébellion. C’était mettre en pratique le précepte de prudence donné autrefois par le président Lincoln : « il ne faut employer pour rebâtir que des matériaux sains. »

Tant de rigueur parut excessive au congrès. On proposa de ne priver du droit de suffrage que ceux qui avaient prêté serment comme fonctionnaires du gouvernement fédéral avant de servir volontairement le gouvernement confédéré ; puis, après mûre considération, cette exclusion parut encore trop sévère, et l’on résolut qu’elle porterait, non plus sur le droit de voter, mais seulement sur l’admissibilité aux emplois. Encore réserva-t-on au congrès le droit de relever les coupables de leur incapacité par un vote des deux tiers. — Quant au quatrième article de l’amendement, il stipulait simplement la répudiation expresse de la dette confédérée et de toute autre dette qui pourrait être contractée dans l’avenir pour soutenir une insurrection contre le gouvernement des États-Unis.

Telles étaient les conditions modérées que l’immense majorité du congrès dictait solennellement aux états du sud : 33 voix contre 11 dans le sénat et 120 contre 32 dans la chambre ratifièrent l’ouvrage du comité de reconstruction. Un bill joint au projet d’amendement établissait que les portes des deux chambres seraient rouvertes aux députés des états rebelles à mesure qu’ils l’auraient ratifié. Sauf la clause encore discutable de l’inadmissibilité aux emplois de tous les serviteurs de la rébellion, il n’y avait rien dans ce programme qui pût effaroucher le président. Les principales mesures adoptées par les radicaux étaient pareilles à celles qu’il avait lui-même essayé d’imposer aux états du sud. À la vérité