Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/854

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nord a le dépôt depuis trois siècles, en vérité c’est prendre plaisir à décupler les forces de l’ennemi.

Est-ce à dire que le langage de l’écrivain saxon ne puisse être expliqué par l’attitude du cabinet de Berlin en ces dernières années ? Ce n’est pas ici qu’on soutiendra le contraire. L’avenir, qui connaîtra mieux que nous les secrets de la lutte, mettra chaque incident en son vrai jour ; on verra bien alors si cette agression n’était pas un acte de défense, si ces invectives n’étaient pas des représailles. Faut-il admettre surtout que les injustices et les violences d’une telle polémique assurent un bill d’indemnité aux violences et aux injustices des vainqueurs ? Non certes. Je crois seulement que l’ouvrage dont il s’agit peut nous aider à débrouiller le faux et le vrai dans les complications présentes. Les torts que nous reprochons à l’auteur, l’histoire les reproche également à la politique des états secondaires. C’est pour avoir méconnu le droit de la Prusse qu’on lui fournit aujourd’hui les prétextes dont s’empare son ambition. C’est pour avoir contesté sa mission dans ce qu’elle avait de légitime et d’utile qu’on la pousse à méconnaître le droit d’autrui. Ces victoires dont la grandeur et les conséquences ont surpris la Prusse elle-même, ces entreprises qui, selon une voix prussienne, entachent l’honneur allemand, tout cela aurait pu être écarté, si les passions dont le manifeste saxon est rempli n’avaient aveuglé longtemps le parti autrichien de l’Allemagne du centre et du sud. Voilà pourquoi ce livre est un symptôme qui demande un examen attentif.

Le titre est plein de promesses, surtout quand on sait, comme toute l’Allemagne le sait désormais, que l’auteur anonyme de ces deux volumes est un des grands personnages du royaume de Saxe, un homme qui porte avec honneur un nom célèbre depuis plusieurs siècles dans la diplomatie et les hautes charges de l’état, — M. le comte de Vitzthum. M. de Vitzthum a intitulé son œuvre : Les Secrets du cabinet saxon. Qu’on ne s’attende pas cependant à des révélations sur les événemens dont nous sommes témoins. L’heure où sera connue la vérité définitive, « le pourquoi du pourquoi, » comme disait Leibniz, n’a pas encore sonné. Ces Secrets du cabinet saxon ne nous font pas assister au duel du baron de Beust et du comte de Bismark. Le second titre nous avertit que c’est là une étude consacrée au passé, une polémique rétrospective : les Secrets du cabinet saxon, de la fin de l’année 1745 à la fin de l’année 1756. Seulement ne l’oublions pas, et si nous étions tentés de l’oublier, on nous le rappellerait à chaque page, ces onze années de l’histoire du XVIIIe siècle renferment le commencement d’une entreprise, — l’auteur dit sans ménagement d’une intrigue, d’une rébellion, — qui est en train de dérouler sous nos yeux ses