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empêchent. La raison de guerre le veut, et je ne puis absolument pas changer mon plan là-dessus.

« Arnim. — Le roi mon maître ne désire rien tant que de vivre en bons rapports d’amitié avec votre majesté ; il fera tout ce qui pourra y contribuer. Il donnera toutes les garanties possibles afin de vous convaincre que son intention est de garder la plus stricte neutralité dans la présente guerre. Le roi mon maître adoptera également, dans les limites de l’honneur, tout ce qui pourra tranquilliser votre majesté au sujet des soupçons dont nos troupes sont l’objet, à savoir qu’elles agiraient contre vous en cas de revers. Quant à joindre notre armée à la vôtre, l’honneur de mon maître s’y oppose absolument. L’impératrice-reine a comblé le roi de témoignages d’amitié sans lui donner le moindre sujet de plainte. Votre majesté connaît elle-même le traité d’alliance défensive qui existe depuis des années entre les deux cours. D’après ce traité, le roi de Pologne doit fournir six mille hommes à l’impératrice, si un ennemi l’attaque. Dans le cas actuel, la question de savoir qui est l’agresseur étant douteuse, le roi a repoussé tous les avantages qu’on lui offrait et refusé ses troupes à l’impératrice. Comment le roi mon maître pourrait-il se résoudre à déclarer la guerre à une princesse qui ne lui a pas même fourni le plus léger prétexte d’inimitié ? De quelle manière colorer une pareille conduite ? Ce serait une tache éternelle à son honneur, et le roi craindrait avec raison d’encourir le blâme de toute l’Europe. Il est fermement convaincu que votre majesté ne peut qu’approuver au fond une si juste délicatesse, bien plus que vous auriez, sire, une mauvaise opinion de sa droiture et de sa loyauté, s’il était capable d’agir autrement.

« Le roi. — Eh ! mon cher monsieur, tout ceci est bel et bon, mais sans la jonction des troupes je ne vois aucune sûreté pour l’avenir. Le roi de Pologne n’a qu’à faire un traité en conséquence avec moi, qui nous lie de plus en plus d’amitié et d’intérêt, car il faut que la Saxe coure la même fortune et le même risque que mes états. Si je suis heureux, il sera non-seulement dédommagé amplement de tout, mais je songerai aussi à ses intérêts autant qu’aux miens. Et pour le qu’en dira-t-on nous enjoliverons le traité de quantité de bonbons. D’ailleurs la meilleure excuse est la nécessité où l’on se trouve de ne pouvoir faire autrement.

« Arnim. — J’ai eu l’honneur d’exposer à votre majesté les raisons impérieuses qui interdisent au roi mon maître de rien accorder sur ce point ; mais comme votre majesté, dans sa première lettre, désire avant toute chose voir écarter les circonstances qui pourraient compromettre la sûreté de ses troupes, j’ai plein pouvoir pour conclure avec elle un accommodement qui la rassurerait complètement à cet égard.

« Le roi. — Et quelle sûreté peut-on me donner ? Est-ce des otages ? Il n’y en a point d’autres que la jonction des troupes. Je ne veux plus être dupe comme je l’ai été en 1744. D’ailleurs je ne suis que trop informé de toutes les trames du ministre et des mauvaises intentions où on est d’aider à me dépouiller d’une grande partie de mes états.

« Arnim. — J’ai vu la note des accusations contre le ministre apportée par le général de Winterfeld à sa majesté mon auguste maître ; or, en ce