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enfin d’expliquer ses violences, il déclare que le sort de la Saxe doit être lié au sort de la Prusse. Ce n’est pas une ouverture, c’est un ordre : il le faut. Écoutez cet ultimatum.


« Monsieur mon frère, je n’ai rien de plus à cœur que ce qui peut regarder personnellement l’honneur et la dignité de votre majesté. Elle peut être persuadée que sa personne dans son camp m’a plus embarrassé que ses troupes. Je crois cependant qu’il y a un moyen pour accorder sa dignité avec ce qu’exigent mes intérêts dans le moment présent, et que tout ceci peut se terminer d’une façon également honorable à l’un et à l’autre. Si votre majesté le juge à propos, j’attends son consentement pour lui envoyer un officier-général chargé de propositions pour elle. Je la prie de lui parler seul et de daigner lui répondre. Je lui répète encore, et je l’assure sur mon honneur, qui m’est plus cher que ma vie, que je n’en veux ni à sa personne ni aux intérêts de sa famille, mais que dans les circonstances présentes il faut que son sort soit lié au mien, et je l’assure, sur tout ce qu’il y a de plus sacré, que, si la fortune me seconde dans la présente guerre, elle n’aura pas lieu de m’en vouloir du mal, mais que, si le malheur m’en veut, la Saxe aura le même sort que la Prusse et le reste de mes états. Je suis avec toute la considération imaginable, monsieur mon frère, de votre majesté le bon frère,

« Frédéric.
« À Sedlitz, ce 13e de septembre 1756. »


Le négociateur annoncé par le roi de Prusse arrive au camp de Pirna. Le roi de Pologne consent-il, oui ou non, à faire cause commune avec la Prusse ? Voilà ce que le général de Winterfeld est chargé de demander à Auguste III. — Jamais, répond le roi. Et mon honneur ! et ma parole royale ! Comment pourrais-je tourner mes armes contre une princesse à laquelle m’attachent des liens sacrés ? Ce que je puis faire, et je l’offre de grand cœur, c’est d’assurer la sécurité du roi de Prusse par la neutralité la plus loyale. — Cette réponse si nette, il la fait directement au général de Winterfeld, il l’adresse par écrit au roi de Prusse, et bientôt, prenant l’initiative à son tour, il envoie un de ses officiers, M. d’Arnim, porter au quartier-général prussien ses offres de garanties. M. d’Arnim a rédigé lui-même sa conversation avec Frédéric II. La scène est vive, et contient plus d’un trait que doit recueillir l’histoire. On nous saura gré de la citer ici tout entière.


« Détail de ce qui s’est dit pendant l’audience que j’ai eue le 15 septembre de sa majesté le roi de Prusse.

« Le roi, après avoir lu la lettre que je lui apportais. — Je vois que le roi de Pologne se refuse à joindre ses troupes aux miennes, mais je n’en saurais démordre, mon cher monsieur ; j’ai de trop bons motifs qui m’en