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d’abord frappé de la disproportion qu’elles présentent. Combien la cohésion est plus puissante que la gravité ! Un fil de fer ne peut rompre sous son propre poids que s’il atteint une longueur de 5,000 mètres. Il faut donc que la pesanteur accumule des masses énormes de métal pour vaincre l’adhérence qui se produit dans une seule tranche du fil ; mais ce qui est plus extraordinaire à coup sûr, c’est qu’une fois l’adhérence vaincue et le fil brisé, le rapprochement le plus étroit des parties disjointes n’y fait pour ainsi dire renaître aucune trace de la cohésion primitive. Ainsi la cohésion, incomparablement plus intense que la pesanteur, n’est sensible qu’à des distances extrêmement petites ; la pesanteur, plus faible au contraire, continue son action à des distances infinies. Si l’on veut se faire une idée comparative de ces forces diverses, on peut considérer les indications suivantes : elles sont dues à un savant physicien, M. Dupré, qui depuis longues années s’est voué à l’étude des actions moléculaires. M. Dupré déduit de ses expériences et de ses calculs la force nécessaire pour vaincre l’affinité mutuelle des élémens de l’eau, pour séparer violemment l’oxygène et l’hydrogène sur une section d’un millimètre carré ; il trouve que cette force devrait aller à 1673 kilogrammes. Pour vaincre la simple adhérence moléculaire de l’eau, pour arracher une tranche à sa voisine, il faudrait une force de 70 kilogrammes par millimètre carré. On sait d’ailleurs que sur cette même surface la pesanteur n’exerce qu’une action de 10gr,33. En comparant les trois nombres qui représentent dans cet exemple les puissances respectives de l’affinité, de la cohésion, de la pesanteur, on peut apprécier l’énorme différence de leurs valeurs.

Abordons, sans plus tarder, les considérations théoriques qui peuvent nous éclairer sur la nature des forces attractives et commençons par la gravité. Imaginons l’éther uniformément répandu dans l’espace ; ses atomes, animés de mouvemens de projection et de mouvemens rotatoires, se choquent les uns les autres de la manière que nous avons déjà dite. Supposons maintenant qu’en un point de ce milieu il y ait une cause spéciale et permanente d’ébranlement ; ce sera par exemple une molécule pesante animée elle-même d’un mouvement vibratoire. L’ébranlement va se répandre dans la masse éthérée et, en raison de la nature du milieu, s’y propager dans tous les sens. Les atomes les plus rapprochés de la molécule pesante recevront des chocs violens, ils seront puissamment chassés, leurs rangs s’éclairciront dans le voisinage du centre d’ébranlement, et la couche contiguë à la molécule deviendra moins dense que le reste du milieu. L’action motrice persistant, ce même effet va se propager de couche en couche à travers l’espace. Comme résultat final, l’éther se trouvera distribué autour du centre d’é-