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core déduire des phénomènes la raison de ces propriétés de la gravité, et je n’imagine point d’hypothèses… Il suffit que la gravité existe, qu’elle agisse suivant les lois qui viennent d’être exposées et qu’elle puisse expliquer tous les mouvemens des corps célestes et ceux de la mer. » C’est encore dans le livre des Principes qu’il dit : « J’exprime par le mot attraction l’effort que font les corps pour s’approcher les uns des autres, soit que cet effort résulte de l’action des corps qui se cherchent mutuellement ou qui s’agitent l’un l’autre par des émanations, soit qu’il résulte de l’action de l’éther, de l’air ou de tout autre milieu, corporel ou incorporel, qui pousse l’un vers l’autre d’une manière quelconque tous les corps qui y nagent. »

Ainsi Newton laissait la question en suspens ; mais après lui on s’est peu à peu habitué à considérer la gravité comme une sorte de qualité inhérente aux corps. Bien des gens admettent aujourd’hui pour premier axiome que la matière est inerte, et pour second qu’elle s’attire suivant telles et telles lois. Nous avons déjà dit qu’il faut choisir entre ces deux idées contradictoires. Si les molécules se portent les unes vers les autres en vertu d’une cause qui est en elles, que venez-vous dire qu’elles sont inertes ? Elles sont actives au contraire, et tout l’échafaudage que vous avez élevé sur l’idée d’inertie s’écroule par sa base. Que sera-ce donc si de la gravité nous passons à l’affinité chimique ! Si les molécules se choisissent en vertu d’un principe qui est en elles, elles ont donc une initiative propre, elles ont des volontés, des caprices ! La chimie devient l’étude des passions moléculaires. Nous allons y trouver des sympathies et des haines, des instincts vils et de nobles sentimens, des tendresses légitimes et des ardeurs coupables, des mariages heureux et des unions troublées, de sourdes inimitiés et des luttes éclatantes. Voilà les idylles et les drames que nous présente la chimie, si nous logeons dans les molécules un principe répulsif et un principe attractif, comme on loge quelquefois l’esprit du bien et l’esprit du mal dans les âmes humaines.

On fait une pure fiction géométrique quand on suppose que deux molécules agissent l’une sur l’autre à distance. En réalité, nous ne connaissons que des actions qui ont lieu au contact par la communication du mouvement. Entre les molécules se trouvent les atomes éthérés ; des uns aux autres les chocs se transmettent ; la matière demeure inerte et ne fait que se mouvoir du côté où elle est poussée. Les forces répulsives se sont déjà évanouies devant l’idée de mouvement calorifique ; les forces attractives doivent également se réduire à des effets d’impulsion.

Si l’on compare les trois forces que nous trouvons rangées dans la même famille, la gravité, la cohésion, l’affinité chimique, on est