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de l’autre ; puis un nouvel équilibre succède à cet effet. Ce phénomène peut s’expliquer par l’hypothèse même dont nous venons de nous servir. Entre molécules homogènes, toutes les atmosphères sont semblables, et il n’y a pas de raison déterminante pour que l’une modifie l’autre : la cohésion se produit dans ce cas. Si au contraire des molécules d’espèce différente se trouvent en présence, il y a variété dans les atmosphères ; celles-ci peuvent se fondre l’une dans l’autre et modifier ainsi la position de leurs molécules respectives. Ainsi nous apparaît le principe de l’affinité chimique. Plus les atmosphères seront inégales, plus il y aura de chance pour que l’équilibre en soit rompu, et plus l’action chimique aura d’énergie. Elles peuvent différer d’ailleurs non-seulement dans leurs volumes, mais aussi dans leurs vitesses, et elles offrent ainsi plusieurs élémens de variation. La température influe naturellement sur l’état des atmosphères, et change par là les conditions de l’affinité. Il peut arriver que deux molécules qui ont à un certain moment des atmosphères dissemblables et par suite une affinité très grande arrivent à avoir, si la température change, des atmosphères égales et par conséquent une affinité médiocre. Il peut se faire même, si la température continue à varier, que la valeur relative des atmosphères soit renversée. On rendrait compte ainsi d’anomalies connues ; on expliquerait de cette façon pourquoi, à des températures très rapprochées, on voit tantôt le fer décomposer l’eau et mettre l’hydrogène en liberté, tantôt au contraire l’hydrogène décomposer l’oxyde de fer pour s’emparer de l’oxygène.

La molécule chimique a donc une enveloppe générale ; mais ce n’est pas à dire que les molécules élémentaires restent dépourvues de petites atmosphères spéciales. Il faut remarquer d’ailleurs que ces atmosphères sont pour ainsi dire des phénomènes extérieurs sous lesquels nous retrouvons naturellement les mouvemens mêmes des molécules. C’est entre tous ces mouvemens, ceux des molécules, ceux des enveloppes partielles et ceux de l’enveloppe totale, que s’établit un équilibre d’où résulte la stabilité de la combinaison. Le composé sera d’autant plus stable que cet équilibre dynamique aura moins de chance d’être troublé. Si les élémens sont nombreux, une légère variation de température met le désordre dans cette agrégation et en détruit le lien. Cet effet se manifeste plus nettement à mesure qu’on passe du règne minéral, où domine une certaine simplicité, aux matières organiques, dont la structure est plus compliquée. Une molécule d’albumine contient, dit-on, neuf cents molécules élémentaires. On conçoit que des composés si complexes soient facilement détruits par des variations de chaleur. La complication est bien plus grande encore dans les tissus organisés. Aussi les végétaux sont-ils confinés chacun dans un climat déterminé, et