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si les animaux peuvent vivre dans des régions plus étendues, c’est qu’ils portent en eux-mêmes une source de chaleur qui rend pour chacun d’eux la température à peu près constante.

Depuis Lavoisier, la chimie s’est faite au point de vue des masses : on peut dire qu’elle reste tout entière à faire au point de vue des vitesses. Or les masses et les vitesses forment deux séries d’élémens qu’il est également nécessaire de connaître pour apprécier les forces vives dont les molécules sont animées et les divers effets qu’elles peuvent ainsi produire. On ne peut s’empêcher pourtant de remarquer les immenses progrès que la chimie a faits par la seule considération des masses. La loi des proportions définies, la loi des proportions multiples, la notion même de l’équivalence chimique, qui est sortie naturellement de ces deux lois fondamentales, sont indépendantes de toute idée de mouvement. C’est à l’aide des pesées que l’on a suivi les corps simples dans leurs combinaisons élémentaires et déterminé l’échelle de leur saturation. Plus tard, la chimie organique se fonde par l’étude des corps gras d’abord, puis par les premières analyses des alcools et des éthers ; la balance devient insuffisante alors pour suivre la complication des phénomènes, et cependant les théories que le chimiste élève semblent, au moins au premier abord, s’appliquer à des molécules en repos. La loi des substitutions résume les progrès de la chimie organique. Cette loi n’implique (on pourrait le croire au moins) aucune idée d’agitation moléculaire, elle peut s’entendre, si l’on se contente d’un aperçu sommaire, de groupes immobiles où des groupes partiels se remplaceraient les uns par les autres ; mais nous n’en sommes plus à avoir besoin de montrer ce qu’il y aurait d’incomplet dans une pareille manière d’apprécier les phénomènes chimiques. On ne saurait comparer la formation moléculaire à la superposition des pierres d’un édifice ; il faut, si l’on veut la représenter par une figure sensible, imaginer sur une échelle restreinte des tourbillons solaires qui viendraient à se pénétrer, et dont les élémens prendraient en cette rencontre un nouvel équilibre mobile.

Au surplus, il ne s’agit pas ici d’une simple conception théorique. Si nous nous reportons sur le terrain des faits, nous voyons que l’action chimique produit un travail, ce qui est le propre des masses animées de vitesse. C’est une action chimique, c’est la combustion du charbon qui fait tourner la plus grande partie de nos machines. Jusqu’ici nous ne savons pas mesurer directement ce travail chimique, nous ne le déterminons que par l’intermédiaire de la chaleur ou de l’électricité ; mais par ces moyens indirects nous en obtenons déjà une appréciation assez exacte. Nous jugeons de l’action chimique par ses effets extérieurs, et ce n’est pas un résultat qui soit à dédaigner. Pour la connaître en elle--