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et la descente laissait ainsi dans l’organisme 75 unités de chaleur qui ne pouvaient être attribuées à l’action respiratoire. La respiration continuait d’ailleurs à donner 5 calories par gramme d’oxygène dans le cas de la marche plane. Ces résultats saisissans ont été mis en évidence par une série d’essais répétés[1].

La théorie mécanique de la chaleur se vérifie donc dans le moteur humain comme dans tous les autres. L’homme qui, dans les expériences de M. Hirn, a donné les meilleurs résultats dynamiques rendait en travail 12 pour 100 de la chaleur produite ; c’est à peu près le rendement de nos machines les plus parfaites. Si l’on poursuit ce parallèle en comparant le poids du moteur à la force qu’il développe, on trouve encore une sorte d’égalité entre l’homme et nos machines ; mais la nature vivante nous offre à cet égard une classe d’êtres tout à fait privilégiés : ce sont les oiseaux. Ces moteurs admirables développent la force de 1 cheval-vapeur sous un poids de cinq ou six kilogrammes. Leur structure physiologique leur donne, avec une légèreté relative, les moyens de suffire à l’é-

  1. Au premier abord, ou peut s’étonner que la marche plane n’amène au point de vue du travail aucune dépense, et que la descente constitue à cet égard une sorte de bénéfice, alors que toutes deux, — même dans les conditions où se place M. Hirn, — demandent certains efforts et produisent une certaine fatigue. Il y a plus, le cas même de la montée peut donner lieu à une objection spécieuse. Comment se fait-il, pourra-t-on dire, que l’ascension consomme de la chaleur alors que manifestement le corps s’échauffe en produisant ce travail ? Il importe de faire disparaître des contradictions apparentes qui seraient de nature à laisser dans les esprits une vague défiance contre toute cette théorie. Oui, le travail correspondant à l’ascension consomme de la chaleur, mais en même temps il précipite l’action respiratoire et la circulation. Le volume d’air inspiré s’accroît, et la puissance absorbante des poumons s’élève elle-même dans une proportion souvent considérable. La quantité d’oxygène absorbé, par conséquent la chaleur produite, augmente jusqu’à se quintupler. M. Hirn a constaté ces faits en se plaçant lui-même dans l’appareil qui lui servait à faire ses expériences ; pour une ascension de 450 mètres à l’heure, le nombre des battemens du cœur s’élevait de 80 à 140 ; le nombre d’aspirations par minute passait de 18 à 30 ; le volume d’air aspiré dans une heure s’élevait de 700 litres à 2, 300. Par suite de cette activité croissante dans la respiration et la circulation, l’expérimentateur consommait, non plus 30 grammes comme à l’état de repos, mais bien 132 grammes d’oxygène par heure. Ainsi, malgré la consommation produite par le travail, un excès de chaleur se développe dans le corps, et l’individu s’échauffe. Des considérations du même ordre feraient disparaître la difficulté que nous signalions au sujet de la marche plane et de la descente. Pour ne parler que du premier cas, chaque pas se divise en deux périodes ; dans l’une, le poids du corps s’élève, et dans l’autre il s’abaisse ; la première période consomme de la chaleur, et la seconde en restitue une quantité égale. À ce point de vue, l’équilibre calorifique n’est pas troublé ; mais l’organisme, répondant à l’appel des muscles alternativement contractés et allongés, développe un excédant de chaleur. Cet excédant peut suffire à un travail intérieur des muscles, d’où la fatigue peut naître, mais qui, suivant un exemple déjà rencontré précédemment, n’a point à figurer dans le décompte établi entre l’homme et le milieu ambiant.