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en avant avec l’entière certitude qu’il arriverait au but ; mais a-t-il fait faire du moins un progrès réel à la solution du problème des sources du Nil ? Est-il parvenu à convaincre le géographe que le Nil égyptien est bien le même que le Nil de Speke, et surtout que la sortie du premier de l’Albert-Nyanza se trouve au point indiqué sur sa carte ? On connaît maintenant la question. Speke a dit : « J’ai vu le Nil sortir du lac Victoria ; je sais par expérience et sur des renseignemens positifs qu’après avoir traversé l’Uganda et l’Unyoro il entre dans un second lac, le Louta-N’Zigé, y laisse le trop-plein de ses eaux et en ressort à peu de distance pour franchir les 30 degrés qui le séparent de la mer Méditerranée. » Qu’il entre dans un second lac, c’est là un fait acquis à la science. Baker en a découvert l’embouchure et l’a remonté jusqu’à la cataracte de Murchison ; mais en sort-il ? ou ne fait-il qu’en suivre les bords sans mêler ses eaux à celles du lac ? En un mot, est-ce bien le même fleuve que la proximité d’un lac a pu faire dévier un instant de sa route, mais qui n’a pas perdu sa physionomie propre et son caractère indépendant ? Voilà ce que M. Baker n’établit pas péremptoirement. Que le fleuve égyptien sorte de l’immense bassin découvert par notre explorateur, c’est là un fait incontestable. Les indigènes comme les marchands d’ivoire qui connaissent ces contrées le certifient également ; cependant l’on ne pourra en faire un prolongement de celui qui y entre à Magungo que lorsqu’on aura fait le tour entier du lac ; car si l’on découvrait l’embouchure d’un second cours d’eau d’un volume considérable à la partie sud, c’est-à-dire à l’extrémité opposée, c’est ce cours d’eau qui devrait être appelé le Nil, et non celui de Speke.

Si les résultats du voyage de M. Baker ne sont pas décisifs et complets dans la question des sources du Nil, en revanche ce voyageur a élucidé de la façon la plus satisfaisante les phénomènes qui en ont fait un fleuve unique, un fleuve qui a créé tout un pays et continue de lui apporter depuis des milliers d’années les élémens de sa fécondité. Sous le nom de Nil, il faut distinguer deux fleuves, le Nil équatorial et le Nil abyssin. Le premier coule toute l’année, le second est périodique ; les eaux de l’un sont marécageuses et malsaines, celles de l’autre sont pluviales et salubres. Les pays d’où ils viennent sont soumis à des conditions climatériques différentes. Le Nil-Blanc vient de régions où la saison des pluies dure dix mois, de février en novembre. Il en résulte que les deux lacs qui recueillent cette masse d’eau pluviale peuvent fournir ce volume énorme de liquide qui résiste dans un parcours de 500 lieues à la puissance d’évaporation exercée par un soleil tropical et au soutirage excessif d’un sable altéré, et cela, sans recevoir en compensation ni le plus petit affluent ni la plus légère ondée. C’est au mois de décembre que ces