Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 67.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aux distributeurs de la circonscription à laquelle elle appartient. Ce n’est pas tout; il arrive tous les jours qu’en écrivant une adresse on mette le nom du destinataire et qu’on oublie d’indiquer sa demeure. Toutes les lettres dont l’adresse est ainsi incomplète sont remises à un inspecteur; il monte dans une petite chaire située précisément au milieu de la salle, et d’où il domine facilement tous les facteurs occupés à leur piquage. Il crie d’une voix haute : Attention à l’appel, et alors il prononce le nom qui, sur la lettre, n’a été suivi d’aucune indication d’adresse. Le facteur qui est accoutumé à voir ce nom dans son service se lève, crie le renseignement demandé et devient dépositaire de la lettre. Dans un coin, devant une toute petite table, un facteur particulier dit facteur du gouvernement, ayant comme tel le droit de porter une broderie d’or au collet, un chapeau à trois cornes sur la tête et un portefeuille au lieu de boîte, fait le tri spécial des Tuileries. Chaque facteur, quand son piquage est terminé, reçoit les lettres non affranchies dont il doit toucher la taxe; on lui remet en même temps une feuille sur laquelle son compte est écrit et détaillé; de ce moment, il devient vis-à-vis de l’administration débiteur de la somme portée sur ce compte, et il doit en justifier au retour de sa tournée, soit en apportant l’argent qu’il a reçu, soit en rendant les lettres qui le représentaient, si elles ont été refusées par les destinataires. L’opération est terminée; les facteurs, debout devant leurs places respectives, attendent le signal de partir. Ils défilent un à un dans un ordre établi d’avance, se rendent dans la cour, montent dans les omnibus qui les attendent, les emportent et les déposent au point même où commence leur distribution. Grâce à la régularité des différentes opérations que je viens d’énumérer, une lettre doit être rendue d’un bout de Paris à l’autre dans un laps moyen de quatre heures, trois heures au moins, cinq heures au plus.

Les diverses phases du travail qui vient d’être raconté se renouvellent sept fois par jour pendant la semaine et cinq fois le dimanche; mais cette activité remarquable devient littéralement vertigineuse deux fois par jour, le malin à l’arrivée, et le soir au départ des trains de chemin de fer. Lorsqu’on assiste à cette formidable manipulation, on est surpris, non pas que la poste commette par-ci par-là quelque erreur, mais qu’une seule lettre puisse arriver à destination. A cinq heures précises du matin, les employés, les facteurs sont à leur poste; ils ont devant eux, non plus des paquets, mais des avalanches de lettres, d’imprimés, d’échantillons, représentant non-seulement le produit de la dernière levée de Paris et de l’ancienne banlieue, mais tout ce que les départemens et l’étranger ont envoyé par les bureaux ambulans. Aussi cette première distribu-