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grandiose de philosophie naturelle. Simple, féconde, hardiment déduite de sa métaphysique, la physique de Descartes est, parmi les conceptions humaines, l’une de celles où brille avec le plus d’éclat la puissance de l’invention. Les savans illustres tels que d’Alembert, Laplace, Biot, tout en faisant de justes réserves, ont loué à l’envi le grand et vigoureux esprit qui essaya le premier de ramener les phénomènes naturels à n’être qu’un simple développement des lois de la mécanique, et les savans qui, sans être encore illustres, veulent être du moins équitables, trouvent avec raison que les théories cartésiennes sur la nature sont aujourd’hui trop oubliées. La physique actuelle aurait honte d’être ingrate, et elle n’ignore pas qu’elle le serait, si elle ne donnait pas au moins un souvenir à Descartes au moment où elle s’applique à démontrer, comme il l’avait enseigné deux siècles avant elle, que les phénomènes de la nature sont tous, sans exception, des mouvemens de la matière. Ainsi ni l’originalité, ni une certaine part de vérité, ni la forte cohésion des parties n’ont manqué à la physique rationnelle de Descartes. On doit toutefois reconnaître, et il l’a remarqué lui-même, que le traité des Principes laisse de côté les corps organisés. Quoique cette lacune soit comblée dans les Traités de l’homme et de la formation du fœtus, l’unité extérieure du système en souffre. Il ne nous en coûte donc nullement d’accorder que la Philosophie de la Nature de Hegel est l’ouvrage de ce genre le plus régulier, le plus un, le plus systématiquement conçu, construit et conduit, qui ait encore paru depuis l’origine de la science Rien que pour ces motifs, et à négliger momentanément la valeur, quelle qu’elle soit, des théories, il est surprenant que ce livre n’ait pas davantage attiré et captivé l’attention, et il n’est que juste de le soumettre enfin à un examen consciencieux. Or, pour le bien juger, il convient de l’envisager à deux points de vue : d’abord dans ses caractères généraux et dans ses rapports avec l’ensemble du système, puis dans les applications qu’il présente de la méthode hégélienne à certains problèmes particuliers.

Le système de Hegel est un tout en trois parties si profondément et si étroitement rattachées l’une à l’autre, que la seconde et la troisième ne sont que les développemens naturels de la première. Chacune des trois répond à un des momens de l’évolution de l’idée, ou, selon l’expression de l’auteur, chacune des trois exprime l’une des phases de la genèse de Dieu; car nos pensées sont identiques aux choses elles-mêmes, et la marche de nos pensées n’est que le mouvement des réalités. Dieu, dans cette doctrine, est donc l’idée divine. L’idée divine est la substance de l’univers physique et moral. Cette idée chemine et se développe graduellement : dans la