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anciens fusils à silex : affaires d’argent, c’est-à-dire affaires d’impôts et d’emprunts, trop faciles chez nous. C’était le cas d’appeler la prétendue réserve qui devait porter l’armée au pied de guerre. On vit alors sortir des fermes et des usines une multitude de prétendus soldats sans la moindre habitude des armes et ne ressentant pas d’ailleurs pour la question d’Orient cet enthousiasme qui corrige dans les grandes occasions la gaucherie du volontaire. De l’avis des chefs de corps, la fusion de ces élémens dans les bataillons les aurait plutôt appesantis que fortifiés. Ce résultat causa de l’émotion parmi les hommes spéciaux ; chez le maréchal Soult, l’homme de guerre reprit encore l’ascendant sur l’homme d’état. Il revint à ses anciennes idées et mit en jeu son portefeuille pour les faire prévaloir. Un nouveau projet portait à huit ans la durée du service : tous les hommes du contingent, sans exception, auraient passé cinq ans sous les drapeaux, et pour les trois dernières années ils auraient fourni une réserve soumise à de véritables exercices. A la chambre des pairs, où le projet fut d’abord présenté, la commission se montra favorable ; mais le gouvernement crut sentir quelque secrète résistance dans la majorité de l’assemblée, et il éluda le débat en retirant sa proposition. Tout le monde était d’avis que la France devait avoir, non pas 500,000 gommes inscrits sur le papier, mais 500,000 combattans à mettre en ligne au besoin. Toutefois les craintes de guerre s’étant dissipées dans l’intervalle, la solution du problème n’avait plus un caractère d’urgence. Une commission extraordinaire composée de pairs et de députés prit toute l’année 1842, elle trahit assez maladroitement les préoccupations de la classe dominante en proposant d’abaisser le chiffre du contingent à 70,000 hommes et d’étendre à neuf ans la durée du service. C’était rejeter le fardeau sur les classes pauvres : le gouvernement ne voulut pas s’associer à cette combinaison.

Sans passionner un pays qui ne se sentait plus menacé, ces controverses avaient parmi les écrivains militaires et dans la presse un certain retentissement. La publication la plus remarquable à tous égards fut envoyée de la prison de Ham à un journal démocratique, le Progrès du Pas-de-Calais, et on la retrouve dans les Œuvres de Napoléon III. Avec l’autorité de son nom et les souvenirs qu’il invoquait, l’auteur essayait d’adapter le régime de la landwehr au tempérament français. Il proposait : 1° une levée par tirage au sort de 80,000 hommes avec un service limité à sept années, dont les quatre premières sous les drapeaux et les trois autres dans la réserve ; 2° une garde nationale divisée en deux bans, le premier comprenant jusqu’à l’âge de vingt-huit ans les jeunes gens favorisés par le sort, le second réunissant jusqu’à l’âge de trente-cinq